« Kolizion » de Nasser Djemaï, un conte aux accents métaphysiques
Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne / Texte et mise en scène de Nasser Djemaï
Publié le 27 novembre 2024 - N° 327Avec le monologue Kolizion, dont il confie l’interprétation à Radouan Leflahi, l’auteur et metteur en scène Nasser Djemaï, également directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN, livre un conte aux accents métaphysiques.
Avec Kolizion, publié comme tous vos textes chez Actes-Sud Papiers, vous revenez à une forme, le seul en scène, que vous n’avez pas pratiquée depuis votre premier spectacle, Une étoile pour Noël (2003), dont vous étiez aussi l’acteur. Faut-il y voir un désir de retour à vos origines théâtrales ?
Nasser Djemaï : Mes spectacles ont tous une parenté entre eux, et après deux pièces – Héritiers (2019) et Les Gardiennes (2022) – avec lesquelles j’ai choisi d’explorer des réalités sociales éloignées des miennes, j’ai voulu revenir à une écriture très proche de mon univers, de ma personnalité. L’histoire de Mehdi, septième enfant d’une lignée de garçons promis à sa naissance à une destinée exceptionnelle, est en effet nourrie de bien des choses qui ont eu lieu dans ma propre famille. C’était le cas déjà du parcours de Nabil dans Une étoile pour Noël, mais mon approche de l’intime est très différente cette fois. J’y viens riche de tout ce que j’ai pu explorer auparavant.
Est-ce à dire que les questions d’identité, au cœur d’Une étoile pour Noël et de tous vos spectacles jusqu’à Vertiges (2017), a laissé place à un autre type de recherche ?
N.D. : Si Kolizion est comme beaucoup de mes pièces un récit initiatique, et que son protagoniste Mehdi de même que Nabil est animé par une soif de vie insatiable, je m’intéresse cette fois davantage au sens de la vie qu’à l’identité. Mehdi se questionne sur ses rêves, il regarde leur évolution, notamment après un point de bascule. Cette dimension métaphysique est portée par un conte, qui un peu à la manière du Mythe de Sisyphe d’Albert Camus s’attache à l’absurdité de la vie.
« Si Kolizion est comme beaucoup de mes pièces un récit initiatique (…), je m’intéresse cette fois davantage au sens de la vie qu’à l’identité. »
On retrouve donc le fantastique qui caractérise votre univers ?
N.D. : Oui, mais là aussi je m’y prends autrement pour tordre le réel. Si j’avais jusque-là plutôt fait intervenir le fantastique tardivement dans mes fictions, dont les points de départ étaient réalistes, je le fais ici beaucoup plus tôt. Dès sa naissance en effet, Mehdi baigne dans une atmosphère onirique. Aussi, ce récit est beaucoup moins ancré dans une société, dans une culture précise que mes spectacles précédents. L’histoire de Mehdi, que l’on suit de sa naissance jusqu’à ses 35-40 ans, pourrait presque se passer n’importe où et n’importe quand. Elle tend à l’universel.
Votre héros est incarné par le comédien Radouan Leflahi. Vers quel type de jeu l’avez-vous dirigé pour porter cette fable ?
N.D. : Mon choix s’est porté sur Radouan Leflahi pour son mélange d’angélisme et de violence, nécessaire pour incarner Mehdi qui est un personnage complexe et mystérieux. Il évolue sur un plateau en permanente transformation, conçu par le scénographe Emmanuel Clolus comme un espace en pointillés, comme un décor qui ne serait pas terminé et qui pour cela stimule l’imaginaire du spectateur. De même que cette scénographie et que le personnage de la pièce, dont on suit l’évolution à travers des tableaux successifs, l’interprétation de l’acteur évolue. Ses allers-retours entre conte et incarnation tendent de plus en plus vers le deuxième pôle, sans pour autant refermer le spectacle en matière d’interprétations possibles.
Propos recueillis par Anaïs Heluin
A propos de l'événement
« Kolizion » de de Nasser Djemaïdu mercredi 4 décembre 2024 au vendredi 20 décembre 2024
Théâtre des Quartiers d'Ivry - CDN du Val-de-Marne
1 place Pierre Gosnat, 94 000 Ivry-sur-Seine
du mardi au vendredi à 20h, samedi à 18h, dimanche à 16h. Tel : 01 43 90 11 11. www.theatre-quartiers-ivry.com