La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Kliniken

<p>Kliniken</p> - Critique sortie Théâtre
© Stéphane Redon Légende : 9.81 : Entre terre et ciel, l’univers doux et fluide d’Eric Lecomte.

Publié le 10 avril 2007

Jean-Louis Martinelli pose sur le plateau une tension aigue de théâtre, avec
la pièce du Suédois Lars Norén penchée sur une petite communauté de patients
d’un hôpital psychiatrique.

Jean-Louis Martinelli a dirigé de main de maître ses acteurs engagés dans une
mimésis savante des comportements de la maladie mentale, inspirés par
Kliniken
(1994) de Lars Norén. Le spectateur est invité à apprécier
l’étiologie complexe et obscure d’un ensemble de troubles mentaux ou psychiques
dont la manifestation passe par une série de symptômes morbides. Des gestes, des
mouvements corporels et des tics dont les souffrants sont plus ou moins
conscients, de la psychose à la névrose, mais qui sont par nature
« spectaculaires », ne serait-ce que par le décalage plus ou moins relatif
qu’ils provoquent concernant la « normalité », une différence abyssale. C’est le
constat clinique d’une collectivité singulière dont le public se sent proche,
par ce sentiment universel d’étrangeté de soi à soi et de soi au monde. Sur la
scène, l’hôpital est ouvert le jour, les patients vont et viennent, à la
condition de rentrer le soir. Une sorte d’hôtel bas de gamme médicalisé où les
résidents conversent au gré des heures et des repas qui se succèdent, avec poste
TV, canapé et espace fumeurs. En surélévation, une grande baie vitrée tournée
sur un paysage ensoleillé que baigne une pluie infinie, la pluie de la monotonie
et de l’ennui de l’existence.

Monologues, dialogues transversaux, réunions chorales

En guise de locataires de ces lieux, un schizophrénique, une anorexique, une
nymphomane, un suicidaire réfugié et sans papiers, un publicitaire séropositif,
un fils sans travail en révolte, des jeunes femmes à l’angoisse confuse qui
pourraient retrouver une vie à l’extérieur. Il suffirait de  « prendre sa
maladie » et de s’en aller. Mais personne ne souhaite retrouver le chaos de
l’exclusion, la misère déstructurante des métropoles occidentales. La société
libérale n?accorde nulle place à ces loosers entravés par l’hyperémotivité,
comme ces jeunes filles violées dans leur enfance par un père à côté d’une mère
défaillante ou bien complice. Comment renaître ? Les malades conversent et
s’affrontent dans des échanges verbaux insignifiants. Comme dans les
Nouvelles du Plateau S
de Ozira Hirata. l’écriture de Kliniken est
éclatée en monologues, dialogues transversaux, réunions chorales, des échappées
libres et impressionnistes de la vie qui va. Saluons les comédiens Vincent
Macaigne l’infirmier, Sylvie Milhaud la mélancolique, Zakariya Gouram, le
méchant Roger- injures machistes et sexuelles à la bouche ? qui donne du nerf à
cette guerre sourde, sans oublier Judith Henry, Caroline Proust, Séverine
Chavrier et les autres. Belle recomposition citoyenne et non esthétique d’un
réel douloureux.

Véronique Hotte

Kliniken

De Lars Norén, texte français de Arnau Roig-Mora, Jean-Louis Martinelli et
Camilla Bouchet, à 20h30, dimanche 15h30 jusqu’au 8 avril 2007 au Théâtre
Nanterre-Amandiers 7, avenue Pablo Picasso 92000 Nanterre Tél : 01 46 14 70 00

www.nanterre-amandiers.com
Texte publié à L’Arche
Tristano/Crises.

A propos de l'événement


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