La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

May

<p>May</p> - Critique sortie Théâtre
Photo © Felix Broede : La soprano Patricia Petibon partage la scène avec ses fidèles complices des Arts Florissants les 17 et 24 novembre prochains.

Publié le 10 mai 2007

Une mise en scène tirée au cordeau du scénario de Hanif
Kureishi The Mother. Didier Bezace sait poser sur un plateau délicat le
vide et le plein de nos existences contemporaines effrénées.

C’est le scénario original de l’écrivain anglais Hanif
Kureishi qui a nourri le talent de Didier Bezace, l’un de nos grands metteurs en
scène d’aujourd’hui. Une histoire de famille banale en apparence, si ce n?est
que l’éclairage proposé est celui d’une mère devenue veuve qui peu à peu se
libère des fils ? son fils et sa fille, en l’occurrence ? qui l’enserraient
jusqu’à présent, des liens familiaux et sociaux de simple convenance qu’on
aurait bien voulu la voir accepter encore. Chacun sait qu’en nos temps
incertains d’Occidentaux empressés, les êtres sont classés une fois pour toutes
selon leurs différences, qu’elles soient d’origine ethnique, sexuelle,
générationnelle ou sociale. Le milieu choisi appartient à la middle class. Le
fils Bobby, interprété par Antoine Basler inquiet et speed, a plutôt réussi. Il
spécule à la bourse, gagne vite et perd aussi vite un argent démesuré. Avec une
grande maison en travaux, une fillette dont personne n?a le temps de s’occuper,
une femme qui gère « son » magasin dans des quartiers huppés. Le couple part le
matin en catastrophe, téléphone portable à la main et casque de moto sous le
bras.

Une Madone profane dans cette absence et présence
mêlées.

De son côté, la fille Paula, à la fois désespérée et
assoiffée de vie  -Lisa Schuster, voix et corps engagés –  a des velléités de
création, écriture de poèmes et pièces, atelier d’expression orale et travail
alimentaire scolaire. De l’argent, très peu, et de l’amour, encore moins. Un
tiers appartient aussi à ce paysage humain, un ami de Bobby, Darren ? avec toute
la conviction désinvolte et profonde de Patrick Catalifo, l’amant de Paula. Un
homme marginalisé, et en cela nécessaire aux autres dans l’exposition brutale de
son échec social avéré. Ce citoyen hors de la cité aide à la révélation
existentielle de May, féminine et intime ? loin de son manteau de mère, de
grand-mère et de has been que son entourage prétendument libéré pensait
lui voir endosser. Geneviève Mnich incarne une Madone profane dans cette absence
et présence mêlées. Elle ne veut plus rentrer chez elle comme toutes les femmes
de son quartier pour finir à la maison de retraite : « Seigneur, laisse-nous
vivre avant de mourir.
 » La scénographie est subtile, des panneaux
coulissants sur le plateau dessinent non sans étrangeté les espaces intérieurs
dévolus à la mère et aux autres. Ces volumes confinés même s’ils sont plus
vastes font sonner le creux des insatisfactions professionnelles et des manques
affectifs. Et comme leitmotiv visuel et sonore, sur quelques notes de jazz, une
envolée d’un bel oiseau libre qui déploie amplement ses ailes dans un ciel gris,
nuageux et changeant. La respiration sauvegardée du rêve possible.

Véronique Hotte

May

D’après The Mother de Hanif Kureishi, traduction
Dyssia Loubatière, mise en scène de Didier Bezace, jusqu’au 3 juin 2007, du
mardi au samedi à 21h, sauf les 8 et 17 mai à 16h30, dimanche à 16h30 au Théâtre
de la Commune 2, rue Edouard Poisson- 93300 Aubervilliers Tél : 01 48 33 16 16

A propos de l'événement


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