« La Réunification des deux Corées » du brillantissime Pommerat toujours à la Porte Saint-Martin
Il est l’un des talents les plus entiers et [...]
Avec La Belle Troupe, constituée de 12 jeunes comédiens et comédiennes du Théâtre Nanterre Amandiers, Margaux Eskenazi crée un spectacle à partir de 4 textes de l’écrivain hongrois Imre Kertesz, prix Nobel de littérature dont l’œuvre est centrée sur la Shoah.
« Le spectacle est construit à partir de 4 textes : Être sans destin, Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, Le Refus et Dossier K. J’ai découvert Être sans destin il y a plusieurs années. C’est une écriture absolument singulière pour parler de la Shoah, très différente par exemple de celle de Primo Levi. Il faut dire que Kertesz, qui a traversé l’expérience concentrationnaire d’Auschwitz, revient sur l’horreur plus de 20 ans après. Et qu’il s’interroge beaucoup dans ses livres sur la meilleure manière de relater cette période. De notre côté, il n’y a au plateau que des gens n’ayant, comme leurs parents, pas connu directement la guerre. Le spectacle, comme j’aime à le faire, s’interroge sur la manière de dialoguer avec ce qui fait maintenant partie de l’Histoire. Pour Kertesz, l’holocauste – c’est le mot qu’il emploie – n’est pas une question juive, mais une question européenne. Dans la mouvance d’historiens comme Chapoutot, il pense que la Seconde Guerre mondiale, et la Shoah, sont le produit des idéologies du XXème siècle en Europe. Cela nous permettra aussi de tirer le fil avec la montée de l’extrême droite aujourd’hui.
« Nous avons commencé nos répétitions le 9 octobre »
Le cadre de Kaddish, mémoires, c’est une metteuse en scène qui présente sa recherche. On commence, suivant Kertesz, à questionner l’identité juive, car celui-ci dit souvent qu’il ne se sent pas juif. La question a eu d’autant plus d’écho que nous avons commencé nos répétitions le 9 octobre, deux jours après le massacre du 7 octobre par le Hamas. Puis, on se demande avec Kertesz comment rendre compte d’Auschwitz. Pour élaborer ce spectacle, j’ai travaillé avec les comédiennes et comédiens selon un même protocole que j’affine de spectacle en spectacle. Un travail de recherche, des exposés, des témoignages et des impros que nous avons menées à partir des textes de Kertesz. On suivra également la trajectoire de Georgi, héros d’Être sans destin. De 1944, avant que ne débute la déportation des juifs hongrois, à son retour à Budapest après son passage à Auschwitz. On entendra des passages de Kaddish, monologue écrit quasiment sans ponctuation que Jean-Quentin Châtelain avait porté sur scène. Le Refus, roman très drôle sur le parcours d’un auteur raté permettra à l’humour de dialoguer avec le tragique. Et enfin, des passages de Dossier K, recueil d’entretiens dans lesquels Kertesz revient sur ses écrits, accompagneront nos questionnements. C’est une véritable polyphonie qui se déploiera à travers 40 personnages et toute la musicalité de la langue de Kertesz, à laquelle fera écho un musicien revisitant folklore yiddish et klezmer en lap steel guitare, sur les genoux. »
Propos recueillis par Eric Demey
mardi et mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30, samedi à 18h.Tel : 01 46 14 70 00.
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