La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Joël Jouanneau

Joël Jouanneau - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 septembre 2007

Le dernier caprice de Glenn Gould

10 avril 1964, Los Angeles. Glenn Gould, brillant concertiste, fait ses adieux à la scène. Dix ans après Allegria opus 147, magistrale variation sur Chostakovitch, Joël Jouanneau se glisse à nouveau dans l’intimité de la musique. Il pénètre dans la loge de l’excentrique et suprême pianiste, avant son ultime concert en public….

 

« J’aime plonger dans l’univers créatif d’un artiste. C’est une façon de me fondre dans la biographie de l’autre, et, avec Glenn Gould, de tramer un parallèle sur le plan littéraire de ce qu’il apporte musicalement. Comme pour Allegria Opus 147, ce texte prolonge aussi ma démarche d’enseignement auprès des élèves du Conservatoire : j’essaie de traduire par le théâtre les enjeux de la création et de l’art vivant, la paranoïa de l’artiste, sa mégalomanie… Pourquoi Glenn Gould ? Parce que sa quête absolue de la justesse de la note, aux lisières de la folie, me fascine. Parce que j’aurais adoré savoir jouer du saxo et du piano… J’écoute beaucoup de musique. Le clavier de l’ordinateur est devenu mon instrument. Je travaille les sonorités, les résonances, les harmonies et les rythmiques… En écrivant certains passages de Dernier caprice, j’ai eu la sensation d’être en apnée, comme dans une échappée de Coltrane au saxo, de me laisser emporter par le vertige de l’écriture, guidé par une mélodie interne. Enfin, la décision de Glenn Gould, qui renonce à la scène à 32 ans, m’a toujours sidéré, moi qui ne parviens pas à m’arrêter ! Les progrès du disque et de l’enregistrement en studio rendaient le concert archaïque à ses yeux. Il préférait l’époque où l’artiste-compositeur était aussi l’interprète. D’ailleurs, il n’eut de cesse de se réapproprier l’œuvre des compositeurs qu’il jouait. Un défi formidable pour un comédien également…

« Ecrire, c’est approcher le secret sans le révéler »

La pièce, truffée d’autodérision, se déploie en une succession de mises en abyme. Les trois personnages – Glenn Gould, homme de l’art classique, Petula Clark, femme de variété, et Walter Brown, régisseur joueur de blues, renvoient au célèbre trio de clowns Bario. Pour bâtir la fiction, j’ai glané des faits dans la biographie de Glenn Gould, notamment dans Piano Solo de Michel Schneider. Son amour des chansons de Petula Clark (à laquelle il consacra un article dans Rolling Stone et une émission pour la radio québécoise), son rapport aux médicaments, à l’hypocondrie, les dimensions millimétrées du tabouret de piano… sont véridiques. De même que la relation avec Stravinski, qui voulait absolument qu’il joue son Capriccio et s’était déplacé jusqu’au Canada pour le rencontrer. Gould a toujours refusé. J’ai inventé mon histoire à partir de ces quelques éléments, que je croise avec des bribes de ma vie intime. Les mots sont toujours une manière de me cacher. Ecrire, c’est approcher le secret sans le révéler, car une fois révélé il est mort.

Propos recueillis par Gwénola David


Dernier caprice, texte et mise en scène de Joël Jouanneau, du 14 septembre au 9 octobre 2007, à 20h, sauf mardi à 19h, samedi à 16h et 20h, relâche dimanche et lundi sauf le 17 septembre et le 8 octobre, à Théâtre ouvert, 4 bis, cité Véron, 75018 Paris. Rens. 01 42 55 74 40. Le texte est publié aux éditions Actes-Sud Papiers.

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