La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Jean-Marie Songy / La Mecque du théâtre de rue

Jean-Marie Songy / La Mecque du théâtre de rue - Critique sortie Théâtre Aurillac Association Eclat
Crédit photo : Vincent Muteau

Publié le 27 mai 2015 - N° 233

Jean-Marie Songy dirige le festival d’Aurillac depuis 1994, ainsi que le centre de création artistique qui lui est associé, Le Parapluie, depuis son ouverture, en 2004. Bilan et perspective pour les arts de la rue à l’occasion de la trentième édition de cette manifestation internationale.

« L’aventure intranquille ne fait que commencer !  »

 

Quelle sera la couleur de cette trentième édition du festival ?

Jean-Marie Songy : On est souvent attaché au caractère tout rond de certains anniversaires, mais ce n’est pas parce qu’on atteint trente ans qu’on est sanctifié ! Je me méfie toujours de nos fatigues, de nos usures : l’aventure intranquille ne fait que commencer ! Nous n’organisons rien de spécial pour cette trentième édition, sinon un moment exceptionnel, à la veille du festival, une veillée d’âmes pour se ressourcer tous ensemble avant d’attaquer cette édition consacrée à l’actualité de la création. L’image choisie pour l’affiche dit bien ce que nous voulons : une trêve pour prendre le temps de parler et de faire attention aux autres. Le personnage qui agite un drapeau blanc sur cette affiche est un spectateur : il demande une trêve qui est peut-être aussi une piraterie. Pour y répondre et y participer, je fais confiance aux artistes pour être au bon endroit au bon moment.

 

En trente ans, les arts de la rue se sont-ils institutionnalisés ?

J.-M. S. : Le spectacle de rue n’est qu’éphémère. Mais on souhaite toujours statufier les choses et ériger des monuments à ce qu’on fait. Notre maison, c’est plutôt les espaces publics, mais nos activités sont fragilisées quand elles perdent l’appui du bâtiment. C’est ainsi qu’à Niort, les arts de la rue n’intéressant plus les élus, ils ont repris les bâtiments et les subventions ! On n’imagine jamais qu’on puisse être bien hors sol, et on s’obstine à vouloir toujours dépenser le gros des subventions dans le chauffage des locaux ! Quand on a construit Le Parapluie, la bataille a été assez rapide à mener : il le fallait pour que la vie artistique continue d’exister à Aurillac. Notre institutionnalisation est très ambiguë. Les arts de la rue relèvent de l’agitprop, l’animation urbaine, l’intervention publique, ce qui se fait mieux dans un espace de liberté que dans un espace semi privé comme celui d’un théâtre. Au début, je rêvais d’une sorte de Chartreuse des arts de la rue – un endroit pour loger les artistes, faire des maquettes, écrire –, car nous n’étions pas venu à Aurillac pour y construire un bâtiment. Mais ce projet n’a pas été retenu. Cela dit, je ne regrette rien : aujourd’hui, Le Parapluie existe comme on voulait qu’il soit : quelque chose de latent, de toujours disponible, et surtout quelque chose de simple, résistant à cette envie permanente de laisser des monuments inutiles à l’humanité !

 

Qui vient jouer à Aurillac ?

J.-M. S. : Aurillac est une terre du possible : les portes sont grandes ouvertes et on essaie de ne dire non à personne. Evidemment, c’est parfois esthétiquement risqué, mais au milieu de cette manifestation bon enfant qui s’étale dans la ville, il y a des pépites. Nous essayons de faire la connexion entre performance, théâtre invisible, théâtre d’intervention : nous aimons autant le théâtre qui parle d’aujourd’hui, comme celui de Pommerat, que les plasticiens volants qui nous embarquent généreusement dans le souvenir de Little Nemo. A côté de ça, on trouve le jeune qui va tenter un solo d’un quart d’heure dans un quartier, des compagnies de passage. On essaie de tenir une éthique, en étant dans l’apport financier et le soutien aux compagnies plutôt qu’en nous transformant en garage à compagnies. Nous soutenons la création. Le Parapluie accueille entre dix et douze résidences à l’année. Il se passe un miracle à Aurillac, disait Marcel Freydefont, qu’il comparait, en sa géographie, aux Saintes-Maries-de-la-Mer ou à la Mecque : on n’y passe pas, on y va !

 

Qui compose le public de ce festival ?

J.-M. S. : Cette manifestation a le caractère délicat et incroyable d’une mixité sociale réussie. A Aurillac, on n’a pas peur de l’étranger ! On est même prêt à l’entendre s’il a quelque chose à dire. Les habitants se sont sentis considérés et honorés qu’on vienne s’installer avec tout notre fatras. J’aime bien l’idée de folklore, même si c’est un mot qui paraît ringard ; j’aime cette idée d’un rituel identifié à une culture locale, quelque chose qui s’imprègne dans le territoire comme les jardins à Chaumont ou la bande dessinée à Angoulême. Socialement et géographiquement, le public est transversal : 50% viennent de la région, 50% de l’extérieur. Les campings se remplissent. Le public n’a jamais arrêté de rajeunir. On est dans une autre économie que celle d’un festival, plus proche de celle de la foire. Au fond, on ne sait pas bien ce qu’on vient chercher à Aurillac : un peu soi-même, confirmer qu’on n’est pas tout seul, investir la marge et inventer des espaces sociaux différents.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

festival d’Aurillac
du mercredi 19 août 2015 au samedi 22 août 2015
Association Eclat
20 Rue de la Coste, 15000 Aurillac, France

Tél. : 04 71 43 43 70. Site : festival@aurillac.net

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