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Avignon / 2022 - Entretien / Sylvie Van Cleven
Loin de La Vérité de Clouzot, Sylvie Van Cleven fait entendre la voix intérieure de Pauline Dubuisson (1927-1963), dont le procès pour crime passionnel défraya la chronique. Un texte en forme de confidence bouleversante adapté du roman de Jean-Luc Seigle, qu’elle a co-mis en scène avec Gilles Nicolas.
Qui est Pauline Dubuisson ? De quelle manière Jean-Luc Seigle s’empare-t-il de son parcours ?
Sylvie Van Cleven : Pauline Dubuisson est la seule femme contre laquelle on a requis la peine de mort pour un crime passionnel, et ce n’est pas un hasard. Au-delà de son crime, c’est une femme complexe et transgressive, que la presse et la justice des années 1950 ont voulu punir. C’est justement ce qui a intéressé Jean-Luc Seigle : cette unanimité contre elle, sa singularité et le fait que personne n’ait voulu aller au-delà des apparences. Il a eu envie de lui rendre une autre justice, à sa façon, en écrivant ce roman à la première personne. Il s’est glissé dans sa peau, il a traversé son histoire, mais il a imaginé aussi ce qu’on ne sait pas d’elle, parce que c’est son talent de romancier. Ce qui est incroyable et magnifique, c’est qu’il a réussi à garder la part de mystère qui est au cœur de cette histoire.
Qu’est-ce qui vous a conduit à mettre en scène et interpréter son destin sur la scène ? Pourquoi dites-vous qu’ « il y a quelque chose de Pauline Dubuisson en chacune de nous » ?
S.V.C. : J’ai d’abord été complètement bouleversée par l’histoire de Pauline. « Une claque monumentale » comme dit François Busnel en parlant du roman. J’ai tout de suite eu envie de la faire exister sur un plateau parce que ce qu’elle traverse est d’une actualité absolue et universelle. J’entends ce qui se passe en Ukraine, et dans bien d’autres pays en guerre depuis des années, et je me dis que, malheureusement, cette histoire des femmes victimes expiatoires mais aussi de ces femmes terriblement courageuses et combattantes, ça n’en finit pas ! Pauline a eu un destin hors du commun, mais elle ne nous est pas « étrangère ».
De quelle manière l’adaptation théâtrale fait-elle résonner le texte ? Permet-elle d’accéder à une vérité intérieure de ce personnage particulièrement complexe ?
S.V.C. : Elle est seule sur scène, c’est son corps qui est au centre de l’histoire, et c’est sa version de l’histoire qu’elle nous donne. Nous avons choisi, Gilles Nicolas et moi, un dispositif scénique complètement intemporel et « organique ». Il nous a aussi paru évident d’utiliser la lumière et le son comme des partenaires de jeu de Pauline, pour nous permettre de l’approcher au plus près et de plonger dans son univers. On peut se reconnaître dans ses failles, ses excès, ses peurs, la sensation qu’à un moment tout nous échappe. Sa part sombre nous est familière. Mais on connaît aussi ce désir d’aimer et d’être aimée, la quête de liberté, la révolte contre un monde masculin qui nous fantasme qui nous assigne à une place. Ce qu’elle a vécu l’a construite, elle le dit : « Je m’appelle Pauline Dubuisson et j’ai tué un homme. Mais personne ne naît assassin. »
Propos recueillis par Agnès Santi
à 20h05. Relâche les 13, 20 et 27 juillet. Tél. : 04 32 74 18 54. Durée : 1h.
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