La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Je suis Fassbinder

Je suis Fassbinder - Critique sortie Théâtre Strasbourg Salle Koltès
Stanislas Nordey Crédit : Jean-Louis Fernandez

Théâtre national de Strasbourg / de Falk Richter / mes Stanislas Nordey et Falk Richter

Publié le 22 février 2016 - N° 241

Pour sa première création au Théâtre national de Strasbourg en tant que directeur, Stanislas Nordey a commandé une pièce à son complice allemand Falk Richter*. Ensemble, ils mettent en scène Je suis Fassbinder. Une rêverie autour de la figure tutélaire du cinéaste allemand.

Comment pourriez-vous définir la relation qui vous unit à l’écriture de Falk Richter, à laquelle vous êtes fidèle depuis de nombreuses années ?

Stanislas Nordey : Ce que j’aime dans le théâtre de Falk Richter, c’est qu’il écrit sur aujourd’hui. Un aujourd’hui à lui, car ses textes partent finalement toujours de son rapport personnel au monde et à l’actualité. Ce n’est donc pas un théâtre strictement politique, un théâtre d’agitprop ou de dénonciation, mais plutôt un théâtre qui regarde à la fois autour de soi et en soi. Et ça, ça me touche beaucoup. Une autre chose qui me paraît importante, c’est que Falk Richter est un auteur de ma génération, un auteur qui vit aujourd’hui. J’ai donc quelqu’un, en face de moi, qui écrit en direct. C’est très stimulant…

Quelqu’un avec qui, comme c’est le cas aujourd’hui, ou comme ça l’a été pour votre spectacle My Secret Garden, en 2010, vous inventez d’autres formes de collaboration artistique…

S. N. : Exactement. Des formes partagées de création pour lesquelles nous mettons en scène à deux, avec la particularité qu’il écrit et que moi je n’écris pas, que moi je joue et que lui ne joue pas. Cette relation crée, dans mon chemin de théâtre, un écart qui me fait énormément de bien. Car je trouve cette question du partage très belle. Il n’est d’ailleurs pas anodin que mon premier spectacle au Théâtre national de Strasbourg soit la création d’un texte qui était encore en train de s’écrire alors que nous étions en répétition. Je crois qu’il est très important de savoir prendre ce risque-là.

 Est-ce que ce processus de création a supposé une part d’écriture « au plateau » ?

S. N. : Oui, on a beaucoup travaillé par improvisations. Et comme le matériau premier était l’univers de Fassbinder, on a rejoué des scènes de certains de ses films. On s’est beaucoup documentés. On a relu pas mal de textes… Il y a eu, ainsi, un mouvement d’allers-retours entre Falk Richter et nous. Tout cela a donné corps à des choses très diverses sur le plateau : à des chansons, des premiers plans d’adresse assez directs, mais aussi à d’autres types d’informations qui arrivent et parfois se superposent, par exemple des choses qui se passent dans des téléviseurs… Cette façon de procéder a laissé beaucoup de place pour que chaque acteur puisse proposer et inventer son propre chemin…

« Fassbinder et Falk Richter ont en commun une même volonté de parler de tout sans jamais céder à la peur. »

 Que pourriez-vous dire de ces différents chemins ?

S. N. : Thomas Gonzalez, par exemple, qui aime chanter, s’est très vite inscrit dans le projet en travaillant avec le musicien Matthias Grübel. Moi, j’ai pris assez naturellement la figure de Fassbinder, du metteur en scène. Eloise Mignon a un peu le rôle d’un électron libre, qui vient d’ailleurs et pose beaucoup de questions… Judith Henry, elle, est plutôt la figure de l’actrice, de la muse. Elle retraverse les figures d’Hanna Schygulla, de Margit Carstensen… Quant à Laurent Sauvage*, il joue un peu tous les personnages en marge, de la mère de Fassbinder à Elvira, dans L’Année des treize lunes

Quels liens pouvez-vous établir entre l’univers de Falk Richter et celui de Rainer Werner Fassbinder ?

S. N. : Ces deux univers n’ont rien et tout à voir à la fois. Ce qui est intéressant, c’est que, pour Falk Richter, Fassbinder est un peu le même type de figure que Pasolini est pour moi. C’est-à-dire que c’est une espèce de terreau dans lequel il n’arrête pas de piocher. Dans un certain nombre de ses textes, il y a des choses empruntées à Fassbinder, des choses qu’il a revisitées, de façon plus ou moins reconnaissables… Fassbinder et Falk Richter ont en commun une même volonté, en tant qu’écrivain, de tout dire, de regarder le monde et de parler de tout sans jamais céder à la peur. Mais sur d’autres points, ils sont vraiment différents. Fassbinder, par exemple, avait cette nécessité de se mettre en scène perpétuellement, de s’écrire soi-même, qui ne correspond pas du tout à la personnalité de Falk Richter. C’est quelqu’un de beaucoup plus discret, de beaucoup plus introverti. Quant à leur écriture, elles sont très différentes. C’est ce qui, je crois, rend ce projet très intéressant. Je suis Fassbinder est une sorte de rêverie, à travers l’écriture de Falk Richter, autour de la figure tutélaire de Fassbinder, autour de ce qu’il en reste aujourd’hui, de la façon dont il nous a marqués, ou pas…

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

* Artiste associé au projet du Théâtre national de Strasbourg.

 

A propos de l'événement

Je suis Fassbinder
du vendredi 4 mars 2016 au samedi 19 mars 2016
Salle Koltès
1 Avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg, France

Du mardi au samedi à 20h. Le dimanche 6 mars à 16h. Relâche les lundis et le dimanche 13 mars. Tél. : 03 88 24 88 24. www.tns.fr.

Egalement à la MC:2 à Grenoble du 24 mars au 2 avril 2016, au Théâtre national de Bretagne du 15 au 20 avril, au Théâtre Vidy-Lausanne du 26 avril au 4 mai, au Théâtre national de la Colline du 10 mai au 4 juin, au Théâtre de Bâle le 7 juin.

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