Tu
Le Monfort / Festival (Des)illusions / mes Olivier Meyrou / avec Matias Pilet
Critique
Publié le 22 février 2016 - N° 241
Dans le sillage d’Acrobates, Matias Pilet incarne par son acrobatie l’histoire poignante d’une renaissance. Une création qui touche à l’universel. A ne pas manquer !
C’est pendant la création même d’Acrobates, avec Matias Pilet et Alexandre Fournier (mise en scène Stéphane Ricordel, dramaturgie et images Olivier Meyrou), qu’a surgi l’idée de ce solo. Créé en mémoire de Fabrice Champion, devenu tétraplégique suite à un accident de trapèze et disparu en 2011, Acrobates mettait en forme une conquête périlleuse où dansait l’acrobatie. Solo de Matias Pilet, Tu dévoile dans la même veine l’histoire d’une bouleversante renaissance, parvenant à surmonter l’entrave d’un immense chagrin. C’est l’histoire aussi d’un jeune artiste qui mûrit et affirme sa créativité singulière. Il est très rare de se trouver face à une telle réussite, où l’art et la vie s’allient, car c’est l’acrobatie en soi, dans son déroulé pénétrant, dans son intensité touchante, qui incarne les douleurs et les tumultes d’une histoire familiale endeuillée. Celle d’une mère qui transmet sa peine à son petit garçon, et celle d’un enfant meurtri par l’absence de sa jumelle, dont le cœur, quelques jours avant la naissance, s’est arrêté de battre.
Aux prises avec la douleur de l’absence
Un amas de papier blanc couvre le plateau, à la fois cocon placentaire immaculé et sorte d’agrès mouvant, masse légère où se débat Matias en un solo fiévreux, et, parfois, en un duo troublant avec la présence fantomatique de Chloé. Le jeune homme entreprend de rejoindre sa mémoire fœtale, et la scène tout entière est emplie de la douloureuse absence. C’est comme si cette expérience primitive avait décuplé son envie d’éprouver les limites de son corps et l’énergie vitale de son acrobatie. Comme si, au-delà du langage, le corps se chargeait de tout endosser, depuis le manque et la tourmente jusqu’à l’apaisement et le relâchement, lorsqu’enfin il se tient debout. La vidéo, remarquable et subtile, laisse émerger la voix de la mère exprimant sa douleur. « J’essaie même de l’imaginer », dit-elle… Un long travail documentaire a été accompli en France et au Chili, nourri d’échanges avec le monde médical, et de dialogues avec le père de Matias et avec sa mère, chilienne aux racines indiennes mapuche. Peut-être est-ce aussi de ce « peuple de la terre » que lui vient son solide ancrage au sol. En questionnant ainsi l’origine, la pièce dépasse tout particularisme pour atteindre une dimension universelle. On peut naître plusieurs fois… Une vraie catharsis, et une impressionnante réussite !
Agnès Santi
A propos de l'événement
Tudu jeudi 24 mars 2016 au dimanche 3 avril 2016
Le Monfort
106 Rue Brancion, 75015 Paris, France
Le Monfort, 106 rue Brancion, 75015 Paris. Festival (Des)illusions. Du 24 au 26 mars, le 31 mars, et le 1er avril à 21h, les 27 mars et 3 avril à 17h, le 2 avril à 19h30. Tél : 01 56 08 33 88. Durée : 1h. Spectacle vu aux Subsistances à Lyon.