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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Jan Czul plonge dans le passé pour interroger frontalement notre époque avec « Les Races »

Jan Czul plonge dans le passé pour interroger frontalement notre époque avec « Les Races » - Critique sortie Théâtre Alfortville Théâtre-Studio d’Alfortville
Jan Czul © DR

Théâtre Studio / d'après Ferdinand Bruckner / mise en scène et dramaturgie de Jan Czul

Publié le 24 avril 2024 - N° 321

Adapté de la pièce éponyme de Ferdinand Bruckner, écrite en 1933, le spectacle de Jan Czul met le théâtre d’actualité en abyme : il plonge dans le passé pour interroger frontalement notre époque. 

« Il ne faut pas si longtemps pour que l’œil humain s’accommode aux ténèbres. »

« Entre lectures, résidences et répétitions, je travaille ce texte depuis trois ans et j’ai l’impression que l’actualité est venue à nous ! Lorsque Bruckner l’écrit en 1933, il utilise la fiction mais évoque l’actualité et ce qui vient de se passer en Allemagne. Ce qu’il dit de la jeunesse allemande de 1933 résonne fortement aujourd’hui. Je suis en lien avec Johann Chapoutot, historien spécialiste du nazisme. Nous avons pu discuter de cette époque et surtout de la fin de la République de Weimar, durant laquelle nous voyons comment le nazisme a pris la place que le parti de centre-droit lui a laissée : la résonnance avec l’actualité est assourdissante ! La pièce de Bruckner a été créée en France au théâtre de l’Œuvre, le 8 mars 1934. Que raconte-t-elle aujourd’hui, 90 ans plus tard ? On suit un jeune étudiant allemand, en couple avec une jeune fille juive. Il plonge dans le nazisme : sa séparation amicale et amoureuse s’accompagne de la découverte d’un élan de vie, d’une camaraderie nouvelle, de l’espoir d’une nouvelle époque. Chaque scène est une situation de l’intime, hyper concrète.

Mehr licht !

Bruckner utilise la fiction pour parler du réel. Il y a donc un trouble à créer. Ce pourquoi en parallèle de ce qui se passe sur scène, j’ai choisi de projeter un documentaire utilisant tous les codes de réalisation de ce type de film, afin de créer un dialogue avec les situations au plateau, et ainsi nous plonger directement dans l’intime des personnages. Une phrase du romancier hongrois Péter Nádas m’a guidé : « il ne faut pas si longtemps pour que l’œil humain s’accommode aux ténèbres ». J’essaie donc d’apporter le plus de lumière possible dans ces ténèbres. Le texte de Bruckner offre de très belles lueurs d’espoir et d’humanisme. Il nous donne à voir combien la tâche d’être humain est difficile, cela résonne en nous et nous questionne intimement. J’essaie de me dégager de l’imaginaire collectif de la Shoah pour en revenir à 1933, aux prémices, au moment où ce qui s’est passé ensuite est encore inimaginable. Je veux interroger cette normalité terrifiante à laquelle on s’habitue. »

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Les Races
du mercredi 15 mai 2024 au vendredi 31 mai 2024
Théâtre-Studio d’Alfortville
16, rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville

à 20h30. Relâche les 19, 20, 26 et 27 mai. Tél. : 01 43 76 86 56. Durée : 2h10.

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