La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

J’ai bien fait ?

J’ai bien fait ? - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
Olivia Chatain et Hélène Viviès dans J’ai bien fait ? Crédit : Tristan Jeanne-Valès

Théâtre de la Tempête / texte et mes Pauline Sales

Publié le 26 novembre 2018 - N° 271

Pauline Sales met en scène la farce pour bobos à la dérive qu’elle a écrite et réunit sur scène quatre comédiens qui peinent à défendre une partition dont on ignore s’il faut en rire ou en pleurer…

Rien ne va plus chez les intellos précaires… La planète agonise, le fascisme guette, les minima sociaux ne permettent pas aux artistes dépourvus de talent de manger sans travailler et les migrants rackettent les enfants normands en visite à Paris. La solution n’est pas dans la lutte politique – forme dépassée du souci commun – mais dans la pleine conscience accordée aux gestes du quotidien… On l’attendait pour conclure ce ramassis de truismes insanes : la solution passe par l’Afrique, où les pauvres sont infiniment mieux en phase avec l’existence et la nature, puisqu’ils en subissent les dérèglements et les avanies… Les personnages inventés par Pauline Sales sont parfaitement odieux, narcissiques, vains, égoïstes et ineptes. Leurs atermoiements d’enfants gâtés feraient certainement ricaner ceux que l’obstination à survivre force à davantage de dignité. Valentine, enseignante hystérique et raseuse, est de ces bas-bleus qu’égratigne Balzac avec une mordante ironie : « d’une instruction à épouvanter ». Confondant son métier avec un sacerdoce évangélique, elle finit, comme souvent les gourous, par être déçue par ses ouailles et les enferme dans la cave de son frère, plasticien grotesque, après les avoir bourrés de somnifères.

Plus rasoir que mordant…

Dotée d’un mari autiste, d’un fils qui couche sans protéger ses ébats, d’un frère raté et, surtout, d’une paranoïa de mission qui fait que les véritables saints sont ceux qui la supportent encore, Valentine est la caricature aboutie de ces professeurs qui hantent les maisons de repos de l’Education nationale. Réfugiée chez son frère qui passe son temps à ranger des polochons dont il espère faire une œuvre, elle découvre que ce dernier a embauché une de ses anciennes élèves comme femme de ménage. Arrive son mari, qui espère qu’un week-end à Ibiza redynamisera son couple, et qui expose doctement la phylogénie de l’espèce humaine pour convaincre sa femme que l’Afrique est le berceau de l’humanité et que le méchant migrant sans papiers qui a attiré ses élèves dans un guet-apens à Saint-Denis porte en lui des ressources existentielles insoupçonnées par l’esprit occidental rabougri… Le tableau de ces Français médiocres, plus encore que moyens, pourrait être drôle s’il était cynique et résolument critique. Il serait d’autant plus efficace s’il proposait une alternative à leurs geignements fades. Mais on ne parvient pas à comprendre si Pauline Sales prend le parti de l’empathie ou celui de la satire. Les comédiens, très en force, ne permettent pas non plus de comprendre s’ils choisissent le ton de la farce ou celui de la tragédie, et on s’exténue à tâcher de comprendre le sens et l’intérêt de ce spectacle.

Catherine Robert

A propos de l'événement

J’ai bien fait ?
du vendredi 16 novembre 2018 au dimanche 16 décembre 2018
Théâtre de la Tempête
route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris

Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 16h30. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 1h40.

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