Antigone
Lucie Berelowitsch installe le mythe [...]
Créé dans le cadre du festival Aujourd’hui Musiques de l’Archipel à Perpignan, Flesh propose un voyage musical et visuel, immersif et captivant.
Le festival Aujourd’hui Musiques fête cette année sa 27ème édition. Initialement porté par le Conservatoire Régional de Perpignan, il est maintenant entre les mains de l’Archipel, scène nationale sortie de terre il y a tout juste 7 ans sous la direction de Jean Nouvel. Jackie Surjus-Collet, programmatrice d’Aujourd’hui Musiques, souhaite depuis longtemps emmener le public vers des formes nouvelles, audacieuses, des expériences pluridisciplinaires qui proposent, pour reprendre ses mots, « des aventures » aux spectateurs. L’aventure avec Flesh prend la forme d’une traversée. Sensorielle et imaginaire à la fois. Son dispositif allie musique, vidéo, danse, arts numériques et performance pour créer un roadtrip visuel et sonore inspiré de J.G Ballard, écrivain américain dystopique à qui l’on doit notamment le fameux Crash, adapté pour le cinéma par David Cronenberg. Franck Vigroux, le concepteur du spectacle, est parti d’une expérience personnelle d’accident de la route et l’a croisée avec l’univers ballardien pour composer la musique – jouée en direct – d’une œuvre qu’il a ensuite retravaillée pour la marier avec le travail vidéo de Kurt d’Haeseleer. Deux danseuses, comme des apparitions pré ou post humaines, ont été dirigées par Myriam Gourfink, spécialiste d’une gestuelle lente, minimaliste, qui s’accorde très bien avec l’univers hypnotique de Flesh.
Aventure sensorielle
S’il inscrit du récit dans une forme avant tout plastique, le motif de l’accident n’est pas indispensable à la compréhension de l’odyssée Flesh. Des nappes électroniques épaisses aux longs crescendos accompagnent tout d’abord les visions éclatées d’un univers fantastique. Aux visions renversées d’un pont, succèdent, au milieu du vaste espace du plateau tapissé de blanc, des moteurs de voiture en suspension, qui semblent bouger, respirer, attendre leur proie, bêtes menaçantes à l’étrange beauté, technologiques et archaïques à la fois. Par flashs apparaît une figure animale aux allures totémiques. Les danseuses reviendront sur scène couvertes de vastes fourrures, entre vestes de bergers et peaux de yetis. La nature s’oppose à la mécanique. L’animal à l’humain. Des moteurs s’échappe un jet d’huile visqueuse qui tombe tout droit par terre, s’évase en flaque épaisse, comme la bouse au pied des vaches. Au-delà d’une histoire, Flesh, spectacle sans paroles, invite donc à se laisser envelopper et à construire un sens ouvert. C’est aussi une aventure esthétique, celle des nouvelles sensations que rendent possibles les nouvelles technologies. Spectacle total où l’art numérique croise le primitif et le contemporain, Flesh porte tout du long l’interrogation sur la place de l’homme dans ce monde qui, malgré la technique, n’en finit pas de le dépasser.
Eric Demey
Le 29 janvier à Reims Scène d’Europe. Le 7 Février au Théâtre de Mende. Spectacle vu à l'Archipel à Perpignan. Durée : 1h.
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