« La Ménagerie de verre » signée par Ivo van Hove avec Cyril Gueï et Isabelle Huppert
Créée en mars 2020 et interrompue par le […]
Quatre années après sa création, en mai 2019, le spectacle de Robert Wilson est repris sur la scène de l’Espace Cardin. Isabelle Huppert fait revivre l’étonnante ampleur de cette proposition à la limite du concret et de l’abstraction. Un maelström d’images, de mots, d’émotions.
Isabelle Huppert apparaît tout d’abord de dos, en contre-jour, vêtue d’un noble vertugadin. Elle semble impassible. Ses mouvements sont à peine perceptibles. On saisit pourtant peu à peu, inflexion après inflexion, les micro-déplacements de sa présence nébuleuse, forme noire qui se détache devant une surface de fond de scène transpercée de fulgurances lumineuses : dégradés et nuances de bleu, de gris, de parme… Cette silhouette énigmatique pivote progressivement, jusqu’à nous faire face et avancer vers le milieu du plateau. La voix sonorisée d’Isabelle Huppert se mêle aux vagues mélodiques de la musique créée par le compositeur italien Ludovico Einaudi. Des échos plus ou moins aigus nous en parviennent, comme par effraction. Les mots du texte écrit par l’auteur américain Darryl Pinckney surgissent comme des envahissements clandestins. Leur texture et leur musicalité impressionnent, sans donner accès aux chemins de narration qu’ils pourraient établir. Car l’œuvre issue de l’imagination du metteur en scène, scénographe et créateur de lumières Robert Wilson nous transporte dans un monde qui ouvre sur un au-delà de la réalité. Un monde plus vaste, plus haut, plus complexe qu’un simple récit biographique, un monde au sein duquel il est question d’une reine de France et d’Ecosse, Marie Stuart, figure historique et théâtrale qui échappe autant qu’elle magnétise.
Tout l’être d’une actrice d’exception
Mary Said What She Said se hisse à des sommets de vertige et de beauté. Fidèle interprète du metteur en scène américain, avec qui elle a créé Orlando en 1993 et Quartett en 2006, Isabelle Huppert dépasse ici les cadres de la virtuosité pour composer une performance vocale et physique d’une incroyable force. C’est tout son être qu’elle engage devant nous. Toute sa présence de grande comédienne. On entend sa voix qui s’affirme, qui éclate, qui faiblit subitement, qui crie encore, avant de revenir à une forme de langueur, par glissades ou par saccades, par ruptures. On voit son corps qui vibre, qui barre l’espace, qui s’élance pour traverser la scène dans des mouvements répétés et des positions qui se figent. Rien de tout cela ne paraît jamais superficiel ou vain. Cette vie s’accorde de manière organique aux paysages visuels et sonores élaborés par Robert Wilson. Des paysages à la faveur desquels naissent toutes sortes de sensations, de troubles. Instrument de cette œuvre magistrale, Isabelle Huppert a quelque chose d’un stradivarius. Elle donne à percevoir et à ressentir, derrière les mots, derrières les images, derrière les saisissements que fait naître ce spectacle, un art de l’invisible et du renversement.
Manuel Piolat Soleymat
« La Ménagerie de verre » signée par Ivo van Hove avec Cyril Gueï et Isabelle Huppert
Créée en mars 2020 et interrompue par le […]
Du lundi au samedi à 20h, le samedi 22 avril à 15h, le dimanche 14 mai à 15h. Tél. : 01 42 74 22 77. www.theatredelaville-paris.com