Les Monstrueuses
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Avignon / 2018 - Entretien / Chloé Dabert
Après s’être fait remarquer par sa mise en scène de J’étais dans la maison et j’attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce à la Comédie-Française, Chloé Dabert s’attaque au classique de Racine où il est aussi question de famille, de choix et d’amour.
« L’alexandrin est le top de la contrainte ! »
Vous travaillez habituellement sur des textes contemporains (Dennis Kelly, Lola Lafon, Jean-Luc Lagarce). Comment Racine s’est-il imposé ?
Chloé Dabert : Dans mon travail sur les écritures contemporaines, je m’attache particulièrement à la langue, aux écritures très particulières, très ponctuées, très rythmées, où l’auteur impose beaucoup de contraintes. Choisir Racine était donc assez évident : je ne me dis pas que je monte un classique mais une langue avec sa rigueur et ses contraintes. Et l’alexandrin est le top de la contrainte !
Comment envisagez-vous de travailler l’alexandrin avec vos acteurs ?
Ch. D. : Faut-il faire toutes les liaisons ? Faut-il respirer à la fin de chaque vers ? Je n’ai ni modèle, ni contre-modèle. Nous allons tester des choses. Le danger est de tomber dans une petite musique hypnotique qui peut empêcher l’écoute du texte. Il faut respecter les contraintes du vers classique tout en restant concret et vivant.
En dehors de la forme, qu’est-ce qui vous a attiré dans Iphigénie ?
Ch. D. : C’est un vieux rêve d’adolescente. L’envie de monter cette pièce me revenait souvent mais je n’étais pas prête. Forte du cheminement parcouru avec mon équipe d’acteurs et de la confiance qui s’est installée entre nous, j’ai pu la réaliser. C’est une pièce qui se déroule dans un contexte de guerre, de crise, où l’oracle dit au roi cette chose folle : « il faut sacrifier votre enfant. » Personne ne remet en cause cette parole qui place Agamemnon devant un choix impossible. Même s’il hésite tout au long de la pièce, il prend quand même la décision de sacrifier son enfant parce que l’oracle est le plus fort. Et à la fin, on sacrifie une jeune femme pour une idée, une conviction, une croyance.
Vous y voyez des résonnances actuelles ?
Ch. D. : Sans appuyer dessus, le fait que ce soit une femme qui est sacrifiée peut en effet résonner. Iphigénie est une princesse, elle est formée depuis l’enfance à son rôle de souveraine. Son peuple passe avant elle. Elle est élevée dans une forme de conditionnement. Si elle ne prend pas les armes, elle donne son corps qui devient sa façon de se battre. C’est le personnage le plus fort de la pièce car c’est le seul qui ne doute pas. Sa mère, Clytemnestre, est dans l’affect de vouloir sauver son enfant, Achille est pris entre l’orgueil et l’amour, le roi est partagé entre son devoir de père et son devoir de chef. Elle, non seulement ne remet pas en cause le sacrifice pour sauver son pays, mais accède à la gloire qui est plus importante que la vie qui lui était promise.
Entretien réalisé par Isabelle Stibbe
Les 8, 9, 11, 12, 13, 14 et 15 juillet 2018 à 22h. Durée : 2h30.
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