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Théâtre - Entretien

Huit heures ne font pas un jour de Rainer Werner Fassbinder, mise en scène Julie Deliquet

Huit heures ne font pas un jour de Rainer Werner Fassbinder, mise en scène Julie Deliquet - Critique sortie Théâtre saint denis Théâtre Gérard-Philipe – Centre dramatique national de Saint-Denis
La metteuse en scène Julie Deliquet. Crédit : Samuel Kirszenbaum

de Rainer Werner Fassbinder / mise en scène Julie Deliquet

Publié le 20 août 2021 - N° 291

La directrice du Théâtre Gérard-Philipe s’empare d’une mini-série télévisée méconnue de Rainer Werner Fassbinder. Une œuvre qui nous plonge dans la classe ouvrière allemande des années 1970.

Quel sens donnez-vous à l’entrelacement, dans votre travail, du théâtre et du cinéma ?

Julie Deliquet : Je crois que j’ai besoin, pour chaque spectacle, de changer de support textuel. Théâtralement, mes recherches s’effectuent toujours à travers des formes et des moyens différents, des esthétiques diverses qui prennent en compte l’écran, l’image. Car il se trouve que je suis venue à la mise en scène après des études de cinéma. J’ai commencé à jouer en tant qu’actrice dans des projets de théâtre, mais mon œil de metteuse en scène s’est vraiment formé grâce à l’analyse filmique. Je ne me suis jamais posé la question d’une possible barrière entre le théâtre et le cinéma. Pour moi, il est entièrement naturel d’associer ces deux arts.

Pourquoi, au sein de l’œuvre de Rainer Werner Fassbinder, avez-vous choisi d’adapter Huit heures ne font pas un jour ?

J.D.: Parce que j’avais envie de mettre en scène un texte social, un peu comme une œuvre d’Emile Zola qui aurait été positive, pleine d’énergie. C’est Claire Stavaux, la directrice de L’Arche Editeur, qui m’a conseillé de regarder cette mini-série diffusée par la télévision allemande en 1972 et jamais adaptée au théâtre. Elle avait envie de l’éditer. C’est une œuvre complètement à part dans la production de Fassbinder, car elle est éminemment utopiste, colorée, lumineuse… Et puis, il se trouve que j’ai beaucoup travaillé par le passé sur l’intergénérationnel et ses oppositions. Or, Huit heures ne font pas un jour laisse au contraire percevoir une dimension solidaire de l’intergénérationnel. Tout ceci fait que, une heure avant de parler avec Claire Stavaux, je ne connaissais pas cette œuvre, et deux jours après, je savais que j’allais la monter.

« Huit heures ne font pas un jour se demande ce que c’est que vivre dignement »

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette série familiale ?

J.D.: Il s’agit d’une commande de la télévision allemande. C’était la première fois que Fassbinder travaillait pour le petit écran. Au début des années 1970, en Allemagne, la moitié des actifs sont des ouvriers. Fassbinder décide donc de réaliser un film pour le peuple, qui parle du peuple, en mettant en scène la classe ouvrière. Avec Huit heures ne font pas un jour, il fait passer des grandes idées de luttes sociales à travers un ton qui ne lui est pas familier : celui de l’espoir, de l’utopie, de l’imagination au pouvoir…

On suit donc une galerie de personnages, au sein d’une famille ouvrière, les Krügger-Epp…

J.D.: C’est ça. Mais j’ai un peu délaissé la sphère familiale pour axer mon travail sur la sphère professionnelle. Autour d’une bière, après huit heures de travail dans un atelier d’outillage qui tente ses premières heures d’autogestion, des personnages lancent de grandes idées marxistes, sans s’en rendre compte. Cette saga parle aussi de l’émancipation féminine, de la lutte pour les droits des enfants, de la lutte pour que les personnes âgées puissent se loger dignement… Tout ceci sans aucun misérabilisme, sans aucun didactisme, avec une grande tendresse et beaucoup d’humour. Huit heures ne font pas un jour se demande ce que c’est que vivre dignement et accéder au bonheur. C’est une œuvre qui rend hommage au « faire ensemble », aux rêves qui se concrétisent collectivement.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Huit heures ne font pas un jour de Rainer Werner Fassbinder, mise en scène Julie Deliquet
du mercredi 29 septembre 2021 au dimanche 17 octobre 2021
Théâtre Gérard-Philipe – Centre dramatique national de Saint-Denis
59 boulevard Jules-Guesde, 93200 Saint Denis.

Du lundi au vendredi à 19h30, le samedi à 17h, le dimanche à 15h, relâche le mardi. Durée : 3h avec entracte. Tél. : 01 48 13 70 00. www.tgp.theatregerardphilipe.com

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