La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Hughie

<p>Hughie</p> - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 avril 2007

Une pièce insolite de O?Neill dont le pessimisme sert de tremplin vers le
rêve via la problématique du jeu et des courses hippiques. Avec le talent
tranquille de Laurent Terzieff et Claude Aufaure.

Qui n?a pas vu Les Tricheurs, film de Marcel Carné (1958), ne
peut imaginer la beauté sombre et claire de Laurent Terzieff, jeune homme
prometteur dans la ville moderne en germe qu’est le Paris des années 60. On peut
retrouver actuellement ce grand homme de la scène, acteur autant qu’esthète de
théâtre, dans une pièce de l’Américain O?Neill, écrite en 42. Dans le hall d’un
hôtel cossu jadis, dégradé à présent, d’une rue secondaire de Broadway lors
d’une nuit d’été de 1928, Terzieff interprète un autre tricheur, Erié Smith,
locataire d’une chambre et fieffé joueur arpentant les champs de courses. Cette
figure mondaine sur le déclin surgit après quelques jours de beuveries, suite à
la mort du précédent gardien de nuit. C’était Hughie jouant le rôle de confident
ultime, réceptionnant les rêves et les déboires de ce client, à la fois
singulier et solitaire. Mais Hughie n?est plus, c’est Charlie Hughes – Claude
Aufaure dont la bonhomie naturelle fait office de vernis protecteur – qui a pris
sa place, jouant l’indifférence et se préservant des assauts de son
interlocuteur : « J’ai perfectionné toute ma technique pour éviter ça, que le
client me raconte toute sa vie. »
Tandis que Erié fait le récit de ses liens
avec Hughie à travers son amour des chevaux, le gardien de nuit écoute les
bruits de la ville, le passage des éboueurs, des trains et des voitures de
police dans un incendie rêvé de la ville : « Une sacrée de putain de
saloperie la vie
 ».

Dollars et filles à volonté pour ceux qui osent le risque. 

Devant la curiosité ironique de Erié ou sa moquerie bon enfant, Hughes se
rétracte dans le silence : « N?importe qui peut me traiter de n?importe quoi,
ça m’est égal. Tous les gens, ma femme, tout ça c’est le passé
 ». Voilà un
duo d’exclus et de laissés-pour-compte que les exigences de la réussite sociale
a laissés sur le bord de la chaussée. L’un est résigné et s’est forgé ses
propres armes de résistance face à l’agressivité ambiante. L’autre survit grâce
à ses discours inépuisables que nourrit un imaginaire grandiose, cadré par les
clichés et les mythes conventionnels imposés par l’idéologie libérale du rêve
américain, dollars et filles à volonté pour ceux qui osent le risque, « les
types qui font tourner la tête aux blondes
 ». Peu à peu, le réceptionniste
se prépare à une partie de dés sur le comptoir de l’hôtel. Laurent Terzieff à
contre-emploi, est magnifique de couardise, de vanité et de panache
mélancolique. Claude Aufaure qui donne la réplique est à l’inverse, un composé
tonique de méfiance et de distance calculée. Un spectacle juste qui convoque
l’espoir et le salut dans une jolie scénographie de Ludovic Hallard.

Véronique Hotte

Hughie

De Eugène O?Neill, texte français de Jacqueline Autrusseau et Maurice
Goldring, mise en scène Laurent Terzieff, du mardi au samedi à 21h30, samedi à
16h30 au Théâtre Le Lucernaire 53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris Tél :
01 45 44 57 34

A propos de l'événement


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