Venezuela d’Ohad Naharin, sur une musique de Maxim Waratt

Entre animalité et délicatesse, sensualité et énergie explosive, l’écriture chorégraphique d’Ohad Naharin immerge le spectateur dans un flux d’émotions fortes. S’appuyant sur la technique infaillible et la force d’interprétation de ses danseurs, le chorégraphe nous livre une danse puissante, fédératrice et souvent engagée. C’est de nouveau le cas avec Venezuela, qui sera présenté pour la seconde fois à Chaillot, tant cette pièce a rencontré les attentes d’un large public. « Pour Venezuela, affirme Ohad Naharin, je m’étais dit que je ferai tourner une mappemonde et là où mon doigt atterrirait, ça deviendrait le titre de ma pièce ». Il est vrai qu’un pays où s’affrontent des religieux et des profanes, où l’on rêve que les nationalismes soient abolis, où chaque événement laisse le champ à de multiples interprétations, exprime un thème qui peut concerner aujourd’hui presque toutes les nations de notre monde.

Le théâtre et son double

Comme toujours, le chorégraphe ne fait qu’évoquer de façon subtile son sujet, car pour lui le spectacle « n’offre qu’une multiplicité de choix qu’il vous appartient de saisir, mais ne dispense aucune vérité ». Cette multiplicité, Naharin la distille tout au long de cette pièce double divisée en deux parties. Chants grégoriens et Eminem, bollywood et rock (Rage Against the Machine) se mêlent avec génie pour constituer une bande-son orchestrée par Maxim Waratt (l’autre nom d’Ohad Naharin) aussi originale que spirituelle. La danse déploie toute une palette de mouvements oscillant entre calme et chaos, de la fureur convulsive à une fluidité des plus sensuelles, de gestes aigus et tranchants à d’amples trajectoires. En ligne de mire, l’idée que vivre ensemble est encore (toujours ?) possible.

Agnès Izrine