La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

La musique Baroque en France

Entretien Patrick Barbier / Musique et culture : des résonances évidentes

Entretien Patrick Barbier /
Musique et culture : des résonances évidentes - Critique sortie
Photo Patrick Barbier. DR

Publié le 10 juillet 2008

Entretien Patrick Barbier /
Musique et culture : des résonances évidentes

Historien de la musique, Patrick Barbier enseigne à l’Université catholique de l’Ouest, à Angers. Il est notamment l’auteur de l’Histoire des castrats (Grasset) et de La Venise de Vivaldi (Grasset).

Vous vous êtes plongé, au travers de vos recherches et de vos livres, dans la musique baroque italienne. Qu’est-ce qui vous séduit dans ce répertoire ‘
 
Patrick Barbier : Je suis italianiste de formation. J’ai fait mon doctorat d’italien avec Dominique Fernandez, qui, passionné d’opéra, m’a poussé à faire mon mémoire sur le compositeur Gaspare Spontini. Plus tard, j’ai décidé de réaliser une étude sérieuse sur les castrats. J’ai toujours conjugué ma passion pour l’Italie à mes recherches sur le baroque. Ce mouvement, en tant qu’art visuel, est d’ailleurs né à Rome. Dans les années 80, on était cependant loin de l’engouement actuel pour la musique baroque. J’étais alors ahuri du vide de connaissance sur cette période. Il est vrai qu’en son temps cette musique n’était pas faite pour durer. L’œuvre mourait avec le compositeur.
 
La musique baroque italienne n’est-elle pas plus superficielle que celle d’un Bach ou d’un Rameau ‘
 
P. B. : Une musique va avec une mentalité, avec un peuple. On ne peut pas comparer un pays catholique à un pays luthérien. Dans le premier, c’est le plaisir « carpe diem », tandis que dans le second, on va plus en profondeur. Chez les Italiens, la musique est épidermique, à fleur de peau, et correspond à cette société qui cultive la sensualité du geste.
 
Quelle est pour vous l’œuvre la plus marquante de ce répertoire ‘
 
P. B. : L’un de mes premiers chocs émotionnels fut La Calisto de Cavalli. Ce qui me fascinait, c’était la beauté et l’émotion des mélodies, le goût des contrastes. On y voit constamment mêlés le rire et les larmes, le sublime et le vulgaire. Cet ouvrage fondateur a conditionné tout mon travail sur cette période.
 
« la sensualité de la sculpture baroque italienne se retrouve dans les personnages d’opéra, souvent chargés d’un fort érotisme. »
 
La musique baroque italienne trouve-t-elle des correspondances avec d’autres formes artistiques : la peinture, l’architecture… ‘
 
P. B. : La musique baroque aime les sinuosités, comme la peinture baroque aime les courbes. Chez Le Bernin, il n’y a pas de ligne droite, ce qui correspond aux effets de vagues présents dans la musique. Les vocalises d’un air baroque font en outre penser à la débauche ornementale du rococo. Le goût des contrastes, très présent dans la musique, est également à l’œuvre en architecture, où le jeu d’ombre et de lumière est exalté. Et n’oublions pas la sensualité de la sculpture baroque italienne, qui se retrouve dans les personnages d’opéra, souvent chargés d’un fort érotisme.
 
Aujourd’hui, cette musique remplit souvent les salles et engendre de beaux succès discographiques. Comment expliquez-vous cet engouement ‘
 
P. B. : Notre époque ressemble à l’ère baroque. La jeune génération a du mal à se projeter dans l’avenir, elle est « carpe diem ». Mes étudiants sont incapables de faire des plans à plus d’une semaine. Par ailleurs, le culte du chanteur d’opéra baroque se manifeste aujourd’hui dans d’autres domaines. On retrouve ainsi le même engouement populaire pour les castrats que pour un Zidane. Dans les deux cas, ces « héros » viennent du peuple. Un peintre a d’ailleurs créé une série de tableaux sur les castrats, en les définissant comme les rock-stars du XVIIIème siècle.
 
Propos recueillis par A. Pecqueur

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