Danser n’importe où, cela a du sens !
Entretien Boris Charmatz
Création et espaces / Danse et espace public
Publié le 28 février 2017
À la tête du Musée de la danse – CCN de Rennes, Boris Charmatz a souhaité axer son dernier mandat sur la danse dans l’espace public. En témoignent les événements Fous de danse, comme son dernier opus, Danse de nuit.
Dès votre première pièce, À bras-le-corps, vous installez avec Dimitri Chamblas les danseurs au centre du public. Elle peut ainsi être jouée partout.
B.C. : Lors de la création nous cherchions un petit espace pour installer un carré de chaises et avions choisi La Villa Gillet, dédiée à la poésie et à la philosophie. Très vite nous nous sommes rendu compte qu’il était intéressant de la jouer dans des églises, des gymnases, etc. Peut-être est-ce la force de cette chorégraphie, la manière dont nous l’interprétons en vieillissant, mais aussi le fait que lorsque l’on s’allonge, le faire sur du béton lors d’un séminaire de lutte contre le sida, ou dans l’herbe avec des enfants qui vous entourent, sont deux choses très différentes. Cela nous a ouvert les yeux sur la richesse, le sens, de danser n’importe où.
« Il s’agit de traverser des modes de présence radicalement différents. »
Pour Fous de danse, vous avez réuni pendant douze heures danseurs professionnels, amateurs, passants. Quels en sont les enjeux ?
B.C. : L’un des enjeux concerne le Musée de la danse, né il y a huit ans, à Rennes. Nous y avons des manières de modifier, au sein d’un même projet, les postures des visiteurs ou des artistes en présence. Nous avons eu envie d’appliquer ces formats collectifs à l’espace public, qui manque d’art et de liberté. Nous avons alors décidé d’investir une place et d’imaginer comment l’on y passerait de l’exposition vivante à l’échauffement public, de la performance collective à des danses sociales. Il s’agit de traverser des modes de présence radicalement différents. C’est vite devenu quelque chose de très important pour nous puisque la dernière édition nous a permis de toucher 16 000 personnes en une journée. D’autre part, il y a aujourd’hui beaucoup d’assemblées citoyennes et nous avons souhaité avec Fous de danse inventer, en résonnance, une assemblée chorégraphique. La danse est peut-être le médium le plus approprié à l’espace public, mais pas seulement dans une idée de consensus, de fête. Nous présentons également des spectacles complexes, des identités très particulières, qui font vivre les différences.
Votre dernière pièce, Danse de nuit, créée pour l’extérieur, a-t-elle aussi une dimension politique ?
B.C. : Si Danse de nuit est politique, elle l’est ni plus ni moins que Fous de danse. Je dirais qu’elle est aussi intime, puisqu’il s’agit d’une confrontation d’émotions liées à la caricature, de réflexions vite esquissées sur la durée de vie du dessin, de la danse. C’est une pièce militante car créée pour l’extérieur, pour la nuit. Elle prend le risque qu’il fasse froid ou chaud, du bruit et de la lumière de la ville. Elle résiste aux aléas extérieurs et j’aime l’idée qu’elle est encore plus tous terrains qu’À bras-le-corps.
Propos recueillis par Delphine Baffour
A propos de l'événement
À bras-le-corps / Danse de nuitdu jeudi 16 mars 2017 au mardi 11 avril 2017
À bras-le-corps de Boris Charmatz et Dimitri Chamblas : Palais Garnier, Opéra national de Paris, place de l'Opéra 75009 Paris. Interprétation Boris Charmatz et Dimitri Chamblas, le 18 mars à 19h, interprétation Stéphane Bullion et Karl Paquette, danseurs Etoiles, les 16, 25, 28, 30 mars à 19h, le 22 mars à 20h30, le 2 avril à 12h. Tél. 08 92 89 90 90. Durée : 0h40.
Egalement le 28 mars au Théâtre de Cachan sur une invitation de La Briqueterie, CDC du Val-de-Marne.
Danse de nuit de Boris Charmatz : TAP Théâtre et Auditorium de Poitiers, 1 bd de Verdun 86000 Poitiers. Les 10 et 11 avril à 21h30. Tél. 05 49 39 29 29. Durée : 1h15.