La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Place au cirque ! 2021

En attendant le grand soir de Pierre-Jean Bréaud

En attendant le grand soir de Pierre-Jean Bréaud - Critique sortie Cirque Ramonville Le Kiwi - association ARTO
© Ian Grandjean En attendant le grand soir de la compagnie Le Doux Supplice.

ARTO – Ramonville / Écriture et mes Pierre-Jean Bréaud
Critique

Publié le 26 septembre 2021

Par l’acrobatie, la compagnie Le Grand Supplice revisite le bal dans En attendant le grand soir. Décalée, déplacée par le cirque, la danse apparaît dans toute sa puissance de transformation du lien, au quotidien.

L’acrobatie, la plupart du temps, a tendance à dessiner une frontière entre celui qui la pratique et celui qui la regarde. Par sa dimension spectaculaire, sensationnelle, elle trace une ligne de démarcation entre gradins et pistes, quand bien même les artistes qui y évoluent parlent d’amitié, de fraternité. Contre cette sorte de quatrième mur – cette distance n’a pas de nom dans le domaine du cirque –, Pierre-Jean Bréaud appelle à la rescousse une autre discipline qu’il rencontre lors de sa formation à l’École de Cirque de Chambéry, dans les années 2000 : la danse. Dans En attendant le grand soir, première création de sa compagnie Le Doux Supplice, l’acrobate voltigeur mêle au cirque une part de chorégraphie. Avec danseurs et circassiens, il fait de la piste un espace de rencontre entre les disciplines, et entre les spectateurs et les artistes. Car si ces derniers entament entre eux un bal ponctué par des figures virtuoses, par des chorégraphies à couper le souffle, ils ont l’art d’inviter tout le monde à les rejoindre. Nourris par leur pratique de « bals sauvages » – « moments imprévus et impromptus dans l’espace public », expliquent-ils – durant tout le processus de création, ils savent mêler leur grande technique à leurs fragilités pour transformer le spectacle en une expérience collective. En une douce et vertigineuse introduction à la fête telle qu’on la pratique rarement : celle qui célèbre les petites joies du quotidien. Celle qui exalte un sourire, un geste amical, une attention délicate.

Une danse contagieuse

Dès l’ouverture du spectacle, nous sommes fixés sur la distance qui nous sépare des grands soirs annoncés par le titre. Interprété par Boris Arquier, qui apporte avec lui sur la piste un pan de l’histoire du nouveau cirque – il a été « clown de tôle » de la célèbre compagnie Archaos –, le maître de cérémonie de la soirée fait une bourde. Il prie l’un des régisseurs de la pièce de l’excuser : il a « oublié les vinyles dans la voiture ». Avec ces quelques mots, qui seront quasiment les seuls de la pièce, ce DJ peu dégourdi casse d’emblée tout l’horizon d’attente, tous les fantasmes de prouesses que suscite en général un chapiteau de cirque. S’il est des exploits dans En attendant le grand soir, ils sont en effet davantage relationnels qu’acrobatiques. En affirmant leurs failles, leurs maladresses – les uns en matière de cirque, d’autres de danse – , Pierre-Jean Bréaud et ses complices développent une qualité de présence et d’invitation qui n’ont rien à voir avec celle d’un personnage. D’une précision d’autant plus formidable qu’elle ne se laisse à aucun moment admirer, leur partition est faite d’un ensemble d’adresses, d’encouragements minuscules qui permettent la contagion progressive de l’énergie de la scène vers les gradins. Jusqu’à la transe finale, joyeuse et partagée.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

En attendant le grand soir
du samedi 16 octobre 2021 au samedi 16 octobre 2021
Le Kiwi - association ARTO
Place Jean Jaurès, 31520 Ramonville

Tel : 05 61 73 00 48. www.festivalramonville-arto.fr. Également les 1er et 2 novembre à la Scène de Bayssan Hérault à Béziers (34).

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