La Terrasse

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Visages de la danse 2017

Créer devant et avec les danseurs

Créer devant et avec les danseurs - Critique sortie Danse
Crédit photo : Joerg Letz Légende : Le chorégraphe Angelin Preljocaj.

Entretien / Angelin Preljocaj

La subjectivation du danseur contemporain

Publié le 28 février 2017

En tournée avec sa dernière création, La Fresque, Angelin Preljocaj revient sur le rôle des danseurs dans son travail.

Qu’est-ce qui vous attire chez un danseur ?

Angelin Preljocaj : Quand je fais une audition, je ne cherche pas un bon danseur, je cherche quelqu’un qui danse très bien. La distinction peut paraître subtile, mais c’est très différent. Quand quelqu’un entre en scène, j’ai envie qu’on se dise que c’est une personnalité qui arrive, pas un danseur. Une compagnie est comme un bouquet de fleurs, et dans la mienne, il y a de tout – des tulipes, des iris, des chardons. La variété m’intéresse, et se répercute sur la physicalité des danseurs, leur morphologie.

Quel rôle vos danseurs jouent-ils dans le processus de création ?

A.P. : Quand j’ai commencé à chorégraphier, je préparais tout avant que les danseurs n’arrivent, puis je leur transmettais tel quel. C’est la peur qui guide ce comportement : on a peur de ne pas être crédible, on veut être irréprochable. Petit à petit, je me suis senti libéré de ça. Le vrai processus de création pour moi aujourd’hui, c’est de créer devant les danseurs, et avec eux. Je lance le mouvement comme un jaillissement, et ils sont en quelque sorte un créateur assistant. Les danseurs me servent à la fois de mémoire, de miroir, de relecture, et d’inspiration.

« Les danseurs me servent à la fois de mémoire, de miroir, de relecture, et d’inspiration. »

Ce travail leur permet-il d’affirmer leur individualité ?

A.P. : Oui. C’est encore plus prégnant au moment où on reprend des pièces. Je fais noter mes ballets, et quand un danseur apprend un rôle à partir de la notation, contrairement à la vidéo, il n’apprend pas l’interprétation d’un danseur. Avec la vidéo, on est face à cette problématique : où commence l’interprétation, et où commence l’écriture du chorégraphe ? Les musiciens ne sont pas dupes : quand un jeune pianiste apprend une sonate de Beethoven, il ne va pas écouter Glenn Gould, il va prendre la partition et travailler.

Quelle part de liberté ont vos interprètes dans leur lecture d’un rôle ?

A.P. : Il y a des lignes essentielles dans une chorégraphie, et puis des à-côtés : une tête, un regard, une épaule, qui transforment le mouvement. Souvent, au bout de quelques reprises, on s’aperçoit qu’un ballet est plus riche, plus épais. C’est un peu comme un mille-feuilles qui se nourrit de chaque interprète. Pour moi, être chorégraphe, c’est donner une forme à habiter à des danseurs. Ce qui me réjouit, c’est la manière dont tous ces bernard-l’hermite habitent différemment cette coquille, qui, si elle n’est pas activée par le danseur, n’est rien, juste un oripeau.

 

Propos recueillis par Laura Cappelle

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