Une physicalité exacerbée
Propos recueillis / Raphaëlle Delaunay
La danse et le corps performant
Publié le 28 février 2017
Raphaëlle Delaunay vient de créer Soma, une pièce en forme de réflexion sur le corps performant promu par l’époque et par la société.
« J’ai commencé à fréquenter les salles de sport pour pallier un manque d’activité physique. Les techniques somatiques proposées au sein des compagnies ne me suffisaient pas. J’ai besoin d’un peu de contrainte, et de douleur, du fait de mon passé d’athlète. En poussant la porte du club de fitness, j’ai découvert un autre monde… Des gens ordinaires très performants ! Je me suis plongée dans des lectures sur le corps contemporain, qui en arrivaient à la conclusion que le corps est aujourd’hui la seule religion possible, la seule utopie réalisable. J’ai donc voulu réaliser un glissement du sport vers la danse. Ce qui opère la bascule vers la danse, c’est l’intention, ou la question du lyrisme dans le mouvement, associé pour moi à la respiration. Le mouvement en sport est fonctionnel et quantifiable objectivement, dans la danse il n’a pas de finalité propre et reste subjectif.
Le retour du refoulé
Dans les techniques corporelles « de pointe », le relâché n’existe pas, alors que la danse contemporaine s’est construite autour de cette notion. Pourtant, entre des corps tendus et hyperperformants et des corps relâchés au sol, il existe d’autres alternatives. Je suis revenue à la technique Graham, à la contraction, et au classique au détour de la salle de sport. C’est aussi une façon de renouer avec mon histoire et toute la technique, acquise difficilement, que j’essaie de transcender, de transformer sur le plateau. Alors qu’au départ de ma carrière de chorégraphe, je le cachais comme une partie honteuse de moi-même. Du coup, cette démarche m’a aussi poussée à revisiter l’histoire de la danse contemporaine. »
Propos recueillis par Agnès Izrine