Le Massacre du printemps d’ Elsa Granat
Avec sa compagnie La Décharge Mentale, Elsa [...]
Avignon / 2019 - Entretien / Laurent Maindon
Si aujourd’hui il y avait la guerre en France, où iriez-vous ? Le Théâtre du Rictus renverse les points de vue et incite le public à revoir ses certitudes en mettant en scène le texte incisif de Janne Teller.
Comment avez-vous découvert le texte de Janne Teller ?
Laurent Maindon : En 2016, je travaillais à l’adaptation d’un roman d’Edgar Hilsenrath, Fuck America, avec une partie de mon équipe de comédiens. Nous entamions alors un cycle sur les conséquences humaines et sociales de l’exil et de la migration. J’avais demandé à mon équipe de lire tout ce qui était possible sur le sujet. Marion Solange-Malenfant, qui joue dans Guerre, a alors déniché ce texte. Nous l’avons lu ensemble. L’astucieux parti pris du texte de Janne Teller permettait de s’adresser à des plus jeunes dans une langue accessible. L’idée d’une trilogie est alors née, elle s’achèvera avec la pièce Ruptures en 2020, commande écrite par Sedef Ecer et Sonia Ristic.
Ce texte met le spectateur à la place des migrants. Comment rendre compte de ce renversement ?
L. M. : L’inversion du parcours des migrants, qui situe le départ de la catastrophe en France et en imagine la suite en Afrique invite à nous projeter, oblige à nous transposer, à revoir nos certitudes. Le spectateur est d’emblée sollicité pour inverser son point de vue. Nous avons imaginé un dispositif simple mais inhabituel, propice à l’écoute, à la sollicitation de l’imaginaire, en plaçant le spectateur dans un caisson sensoriel, une immersion en suspens. Il devient alors « acteur passif» de son destin.
Quelle est la couleur de ce spectacle ?
L. M. : La réponse de Teller et la nôtre sont poétiques. Pour sortir des incantations culpabilisantes ou des mots d’ordre démobilisateurs, nous amenons les spectateurs à s’interroger sur la condition même du déracinement imposé, de la déchirure. Si je peux, pendant trente minutes, me projeter dans cette situation, peut alors naître la possibilité d’une empathie. Le propos est plus enraciné dans le concret du quotidien que dans l’abstrait du raisonnement, il incite à personnifier le parcours. C’est à cet endroit que nous essayons d’atteindre le spectateur pour enclencher un débat, une prise de conscience, au-delà de la colère ou du sarcasme. En creux, il s’agit d’opposer un autre discours à celui de la haine et de la négation.
Et si ça nous arrivait ? Science-fiction, anticipation, crainte infondée ?
L. M. : L’histoire se répète, se contrefait en permanence. Des murs peuvent surgir de terre, des barbelés fleurir sur des lignes Maginot mentales. Aucun mécanisme durable ne nous met à l’abri définitif de toute catastrophe. Il devient alors vital de ne pas fermer les yeux ni de regarder ailleurs. Nos dispositifs démocratiques ne suffisent pas, c’est aux individus aussi de s’impliquer. Tout ne doit pas venir seulement d’en haut. Il faut retrouver la solidarité, la compassion, la curiosité et le goût des autres.
Propos recueillis par Catherine Robert
à 9h50, relâche le lundi. Tél. : 04 32 74 18 54. A partir de 12 ans.
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