La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2018 - Entretien / Rocio Molina

Grito Pelao

Grito Pelao - Critique sortie Avignon / 2018 Avignon Festival d’Avignon. Cour du Lycée Saint-Joseph
Crédit : Javier Salas Rocio Molina, pour un flamenco qui ose

Entretien Rocio Molina

Publié le 22 juin 2018 - N° 267

Rocio Molina s’expose, plus libre que jamais. Elle se met en scène dans un moment déterminant de sa vie : comment danser, et surtout que danser, lorsque l’on est femme, lesbienne, avec son enfant à naître ? Un défi qu’elle aborde en trio, avec sa mère Lola Cruz et la chanteuse Sílvia Pérez Cruz.

Votre démarche possède-t-elle une dimension politique ou féministe ?

Rocio Molina : Je suis consciente que parmi les actions politiques et féministes qui se portent sur scène, certaines sont des recherches, et d’autres comme la mienne se font sans penser. J’y affirme simplement ma liberté, ma fidélité, mon honnêteté et ce que je suis ou éprouve à ce moment-là. Pour moi le corps passe en premier et l’esprit suit. Parfois je ne trouve pas d’explications à ce que je fais, mais mon corps est ferme et décidé. Cette création comme beaucoup d’autres peut bien sûr convoquer une grande dimension politique et féministe ; et en même temps, tout simplement, je danse ce que je suis comme artiste, individu et femme. Tout mon travail cherche la même chose, la liberté de pouvoir raconter ce qui est nécessaire, m’approcher d’une réalité de l’humanité qui soit plus ou moins politique, agréable, désagréable, correcte, imparfaite – ça n’a pas d’importance. Ce qui importe c’est de pouvoir le danser. La technique et le juste geste m’intéressent à chaque fois moins, tandis qu’un corps libre pour exprimer ce que je veux m’enthousiasme chaque fois plus. A la fois, il m’importe de toucher les gens, de les rapprocher de l’humain, du corps, de l’instinct, en les allégeant des moules sociaux dans lesquels nous vivons actuellement, ne serait-ce que pour un moment.

« Pour moi le corps passe en premier et l’esprit suit. »

Quel rôle a joué le travail préparatoire spécifique avec Elena Cordoba ?

R. M. : Elena Cordoba est une artiste très spéciale, elle est ballerine et son travail se porte sur l’anatomie poétique. Elle vous fait ressentir une sensibilité différente avec chaque organe de votre corps, mais aussi avec l’espace par l’intermédiaire du regard, de l’observation. Avec elle on découvre une autre dimension et une autre beauté. Tout cela est une découverte pour moi, ma danse avait été si forte qu’il y avait des parties de mon corps que je ne connaissais pas et j’en avais perdu la sensibilité, c’était un corps entraîné pour résister aux extrêmes et à la douleur. Jusqu’alors, c’est ce dont j’ai eu besoin, mais j’avais l’intuition que mon corps avait besoin d’autre chose. Arrêter cette machine appelée corps a été un travail très dur ! A présent, ce n’est plus moi qui commande, ni l’exigence, ni la force, tout est différent. Le fait d’avoir perdu le contrôle me plaît, bien que j’aie plus peur que jamais. Tout est en train de transformer mon corps à tous les niveaux, l’écoute et l’attente se transforment en alliées. Je sais que découvrir la maturité qui réside dans la quiétude est un long chemin. Comme un geste important d’humilité que j’ai l’intention d’exploiter.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel, remerciements à Opus 64 pour la traduction.

A propos de l'événement

Grito Pelao
du vendredi 6 juillet 2018 au mardi 10 juillet 2018
Festival d’Avignon. Cour du Lycée Saint-Joseph
62 rue des Lices, Avignon
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