La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Gilles Bouillon s’attaque à Feydeau avec Dormez, je le veux ! et Mais n’te promène donc pas toute nue ! Rencontre.

Gilles Bouillon s’attaque à Feydeau avec Dormez, je le veux ! et Mais n’te promène donc pas toute nue ! Rencontre. - Critique sortie Théâtre CHATILLON Théâtre à Châtillon
Le metteur en scène Gilles Bouillon

Théâtre de Châtillon / de Georges Feydeau / mes Gilles Bouillon

Publié le 28 octobre 2019 - N° 281

Gilles Bouillon fait coup double ! Deux cartouches comiques pour participer à la lutte des classes et à la guerre des sexes avec une pléiade de comédiens surdoués en guise de fantassins exaltés. Un régal en perspective !

Qui sont les héros de ces deux pièces de Feydeau que vous montez ensemble ?

Gilles Bouillon : Alors qu’elles sont prises dans le carcan socioéconomique qui les musèle autant qu’il les corsète, les femmes – par la bouche du personnage principal de Mais n’te promène donc pas toute nue – commencent à parler. Clarisse est la femme d’un député, homme politique en vue. Notons bien que, chez Feydeau, symptôme de l’époque, les femmes sont désignées par leur prénom et que seuls les hommes ont un nom ! Dans cette société pourrie, où tout est histoire de compromis, d’arrangement et de calcul, cette femme est soudain prise d’une liberté de langage et de tenue aussi irrépressible qu’inattendue. Il ne s’agit pas seulement d’une émancipation mais d’une véritable libération, complètement explosive ! C’est pourquoi je choisis de la situer dans les années 60, pendant les Trente Glorieuses, époque où la liberté de parole incroyable rejoignait un sens de la provocation très fort (qui n’est pas seulement une exhibition) et une affirmation sexuelle. Dans Dormez, je le veux !, le serviteur hypnotise son patron, lui fait faire son boulot à sa place pendant qu’il fume ses cigares ! Le renversement carnavalesque est total, même si l’ordre revient, puisque le domestique se repent à la fin. Mais la bonne marche de la société a été remise en question, comme dans la première pièce où la femme chamboule l’ordre social en disant ce qu’elle en pense. Si pont il y a entre les deux pièces, c’est celui-là : dans les deux cas, les sans-voix prennent la parole.

« Si pont il y a entre les deux pièces, c’est celui-là : dans les deux cas, les sans-voix prennent la parole. »

C’est la première fois que vous mettez en scène cet auteur…

G.B. : C’est vrai ! J’avais monté Labiche mais pas Feydeau. Quand je me suis mis à le lire, j’ai découvert son aspect vertigineux, la virtuosité et la précision quasi musicale de sa langue. Ce théâtre est formidablement bien écrit et prodigieux. Il est même assez difficile, pour les acteurs, de trouver une liberté dans le jeu à partir de cette précision. Et ce travail sur l’absurde, le retour du refoulé, la bêtise me passionne et se redouble puisque ce spectacle met ces deux pièces en perspective, comme deux facettes du bouleversement des canons sociaux. Les deux pièces se déploieront donc dans un même espace, où seule changera la couleur du canapé ! Les décors et les costumes de Nathalie Holt jouent sur des couleurs très pop, quasi saturées. C’est une boîte avec deux portes et une fenêtre. On n’a pas besoin de plus, sinon des costumes inspirés des années 60, avec quelques chose d’encore très coincé chez les hommes, et, évidemment, un saut-de-lit !

On va rire, donc…

G.B. : J’avoue que j’avais envie de m’aérer après avoir monté plusieurs spectacles graves et difficiles ! Mais rappelons ce que dit Meyerhold : il faut travailler le comique avec le plus grand des sérieux. Il faut construire une structure de mise en scène très costaude. Il faut se marrer, certes, mais de façon très sérieuse. Voyez les heures de répétitions des courts métrages de Chaplin : le comique demande beaucoup d’investissement et de temps.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Gilles Bouillon s’attaque à Feydeau avec Dormez, je le veux ! et Mais n’te promène donc pas toute nue !. Rencontre.
du vendredi 22 novembre 2019 au mardi 26 novembre 2019
Théâtre à Châtillon
3, rue Sadi-Carnot, 92320 Châtillon

Du 22 au 26 novembre 2019 à 20h30, le dimanche à 16h. Tél. : 01 55 48 06 90. Tournée jusqu’en mars 2020.

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