L’Ile des esclaves
Benjamin Jungers met en scène L’Ile des [...]
Ce n’est pas un hasard si le chapiteau du Cirque Lili sert d’écrin à FoResT. Il nous restait en mémoire une parenthèse enchantée par la poétique du jonglage de Jérôme Thomas. Aujourd’hui, il puise dans cette même veine et, si les années ont passé, les quelques objets qu’il manipule restent en état de grâce.
Un ciel illuminé de lucioles, deux personnages haut perchés… En bas, la forêt de copeaux de bois et le long souffle de l’accordéon. Il y a de la légèreté dans l’air dans ce petit chapiteau de bois. Un air palpable, rendu tangible par la présence de cet homme et de cette femme : d’une première danse, ils vont donner vie à une grande plume d’autruche, qui glisse d’une épaule à l’autre, d’un dos à une main, jusqu’à défier les lois de la gravité et se jouer littéralement de nous. On l’aura compris, les lois de l’équilibre sont allègrement transgressées dans ce nouveau spectacle de Jérôme Thomas. Le reste n’est qu’un défi de plus sans trucage, et avec les objets de prédilection du jongleur. Après la plume d’autruche, celle du paon, puis les balles, le sac plastique, et, bien sûr la canne. Après l’intrusion intempestive d’un pic vert mécanique, le voilà héron perché sur une jambe, traversant la piste avec ses balles à bout de bras, ou plutôt à bout de poignets, jusqu’à utiliser la force centrifuge. Ces quelques pas dans la lenteur auront suffi à installer une magnifique tension, et le spectateur se trouve happé par les petits jeux et grandes stratégies déployées pour trouver l’impossible suspension et déjouer la possibilité d’une chute.
Sur le fil de l’équilibre
Quand la canne propose de beaux moments de manipulations et de péripéties à l’horizontale, les balles optent pour un corps assis, plus tranquille. Le sac plastique offre à Jérôme Thomas des espaces de drôlerie dans lesquels se glissent les rires des enfants. Ajoutez à cela une canne et une balle, et c’est une étrange chorégraphie qui occupe le cercle de la piste, chaque objet ayant son propre poids, son propre rapport à la gravité, son propre rythme, son propre désir d’envol. Dans cette mécanique virtuose, la part du risque nous tient en haleine, et les petits loupés montrent une gestion du ratage pleine d’humanité et d’autodérision. Au fil de ce spectacle sur le déséquilibre, en subsiste un, en creux, qui dénote pourtant un contrepoint mal affirmé : celui de la présence de la danseuse, qui, face à un Jérôme Thomas qui trimballe sa corporéité – à elle seule tout un poème ! – n’a pas encore trouvé sa place. Mais FoResT s’appuie joliment sur la relation à Jean-François Baëz, dont les plis et replis de l’accordéon soutiennent sans relâche le jongleur.
Nathalie Yokel
Les 4 et 5 avril 2014 à 20h, le 6 à 16h. Tel : 01 41 87 20 84.
Benjamin Jungers met en scène L’Ile des [...]