Portraits : La Spectatrice et L’Estivante
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Une pièce en un acte de Marivaux, des sonnets et des chansons de Ronsard, des musiques de Schubert. La metteure en scène Marion Bierry fait du Legs une comédie désordonnée. Au Théâtre de Poche Montparnasse.
Dans cette pièce en un acte de Marivaux (créée en 1736), nulle volonté de tendre l’arc du théâtre par le biais d’expositions et de circonvolutions introductives. En une réplique – la première – nous voilà plongés dans le vif de cette histoire renvoyant dos à dos exigences amoureuses et appât du gain. « La démarche que vous allez faire auprès du Marquis m’alarme », déclare ainsi, sans autre forme d’entrée en matière, le Chevalier à Hortense, la femme qu’il aime. Cette dernière, répondant tout aussi directement, dévoile sur-le-champ les clefs de l’imbroglio sentimentalo-financier dans lequel tous deux sont pris, à l’instar des autres protagonistes du Legs : un Marquis, une Comtesse et un couple de domestiques. De quoi est-il question ? D’un dilemme nuptial. S’il souhaite conserver l’intégralité d’un héritage, le Marquis – qui aime la Comtesse – doit épouser Hortense. Mais s’il décline cette union, il devra verser à sa promise une compensation de deux cent mille francs. Si c’est elle, au contraire, qui le repousse pour se donner au Chevalier, le Marquis sera quitte de tout dédommagement. S’engage entre eux une partie de bras de fer, au cours de laquelle les deux prétendants feignent d’accepter le mariage. Chacun attend que l’autre cède aux appels de l’amour, afin de récupérer le bénéfice du legs.
La valeur de l’argent, et celle des sentiments
Ce double coup de bluff se joue en vingt-cinq petites scènes rapides, précises, d’un élan comme contemporain. Rarement mise en scène, cette comédie surprend par sa vivacité. Par une façon d’aller à l’essentiel, de dessiner des lignes nettes, pures, fines. Les faux-fuyants des uns, l’incapacité des autres à exprimer leurs sentiments : tout cela forme une spirale prenante, qui parvient à résister à la création désordonnée que signe Marion Bierry. Car malgré les lourdeurs d’une représentation qui veut tout faire et tout être (allant de l’opérette – en intégrant des sonnets et des chansons de Ronsard – à la comédie de boulevard, en passant par une vision plus sensible du théâtre de Marivaux), Le Legs avance et impose la marque de sa belle écriture. Bien sûr, les maladresses de la direction d’acteur viennent aplatir certaines scènes, qui nécessiteraient davantage de subtilité. Mais au final, Bernard Menez (le Marquis), Valérie Vogt (la Comtesse), Marion Bierry (Hortense, en alternance avec Marie Réache), Gilles Vincent Kapps (le Chevalier), Estelle Andrea (une belle Lisette) et Sinan Bertrand (Lépine), s’ils sont loin d’investir toute la richesse de la langue marivaldienne, composent un ensemble de situations efficaces et distrayantes.
Manuel Piolat Soleymat
A partir du 13 mars 2014. Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Relâches exceptionnelles du 12 au 15 juin. Tél. : 01 45 44 50 21. www.theatredepoche-montparnasse.com. Durée : 1h15.
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