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Focus -283-Festival Odyssées en Yvelines

Un festival de grande liberté et de grande exigence, rencontre avec Sylvain Maurice

Un festival de grande liberté et de grande exigence, rencontre avec Sylvain Maurice - Critique sortie Théâtre Sartrouville Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
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Publié le 16 décembre 2019 - N° 283

Directeur du Théâtre de Sartrouville et des Yvelines depuis 2013, Sylvain Maurice et son équipe mettent en œuvre une douzième édition proposant quelque 250 dates de programmation. Croisant enjeux éducatifs et esthétiques, l’imagination est au pouvoir !

En quoi le festival Odyssées en Yvelines est-il structurant pour le CDN ?

Sylvain Maurice : Odyssées est au cœur du projet du Théâtre de Sartrouville et des Yvelines pour plusieurs raisons. La première, c’est le fait que le festival présente uniquement des créations, ce qui s’inscrit dans notre mission de Centre dramatique national. Ensuite, l’importance d’Odyssées s’explique par l’histoire même du théâtre, qui a résulté de la fusion de plusieurs structures, soit une scène nationale et un centre dramatique national pour l’enfance et la jeunesse, label qui aujourd’hui n’existe plus. De nombreux artistes reconnus sont passés avec bonheur par Odyssées : Stanislas Nordey, Olivier Py, Irina Brook, Marcel Bozonnet, et tant d’autres. Enfin, la troisième raison est économique. Compte tenu de notre niveau de subventions, les tournées de nos spectacles s’avèrent vitales. Les créations d’Odyssées, programmées cette saison entre 220 et 25O dates, tournent en moyenne au moins deux ans, partout en France et parfois au-delà de nos frontières. C’est considérable. La Rage des petites sirènes, créé en 2016 par Magali Mougel et Johanny Bert, a par exemple traversé l’Atlantique jusqu’à New York.

Comment se décline la tournée sur le territoire des Yvelines ?

S.M. : A partir de Sartrouville, nous rayonnons dans toutes les Yvelines, un département particulièrement contrasté où coexistent des zones rurales et des quartiers très denses. Odyssées est un projet de territoire, adossé aux subventions du conseil départemental des Yvelines, notre partenaire principal, et à celles de l’Etat et de la Ville. En collaboration avec le Département, nous avons fait évoluer Odyssées afin d’élargir nos collaborations : nous continuons notre action auprès des équipements culturels et établissements scolaires, et travaillons de manière de plus en plus affirmée avec les structures ou associations sociales du département, en lien avec des problématiques spécifiques telles que par exemple la réinsertion, la lutte contre la précarisation ou le handicap. Notre réseau de diffusion étendu permet non seulement de mettre en œuvre une décentralisation ambitieuse mais aussi de décloisonner les publics, de bousculer les repères, en touchant toutes sortes de personnes, y compris celles et ceux qui sont exclus de l’offre culturelle. Nous organisons des échanges et des ateliers, créons les conditions de la rencontre, favorisons les dialogues, notamment entre générations.

Est-ce à cause de cette vaste diffusion que vous avez privilégié la petite forme ?     

S.M. : Ces petites formes peuvent en effet être jouées partout : théâtres, établissements scolaires, bibliothèques, médiathèques, centres sociaux… Elles assurent une diffusion très importante sur tout le territoire des Yvelines à partir du 13 janvier pendant dix semaines, et font halte au Théâtre de Sartrouville du 25 au 31 janvier pendant un temps fort nommé Cité-Odyssées. D’un point de vue artistique aussi, je fais l’éloge de la petite forme, elle exprime selon moi un geste théâtral essentiel, débarrassé de tout superflu, nourri du talent des interprètes, de la force singulière du langage scénique. Dans un dispositif scénographique minimal, dans une étroite proximité avec le public qui interdit de tricher, ces petites formes s’avèrent très évocatrices, très saisissantes. Le jeu d’échelle laisse imaginer de larges perspectives, la petite forme contient la grande. Small is beautiful ! Très inventives, les écritures d’aujourd’hui dépassent un travail classique d’écriture et parviennent à toucher de mille et une manières.

« Ces six formes très différentes forment un kaléidoscope reflétant la variété des écritures d’aujourd’hui. »

Quelles sont les spécificités des six créations de cette douzième édition ?

S.M. : Nous avons accentué la dimension pluridisciplinaire ou interdisciplinaire des créations. A partir du socle commun du théâtre, à partir de la discipline d’origine des artistes, divers alliages se sont construits. Deux spectacles conjuguent théâtre et musique : Un flocon dans ma gorge de Constance Larrieu célèbre les pouvoirs merveilleux de la voix, et Le Joueur de flûte de Joachim Latarjet revisite aujourd’hui le conte originel. Avec Le Procès de Goku, Anne Nguyen mêle danse et théâtre en imaginant une battle au sein d’un tribunal. Johanny Bert et Magali Mougel reviennent à Odyssées avec Frissons, un spectacle immersif et pluridisciplinaire destiné aux enfants à partir de 5 ans autour du thème de la peur. Thomas Quillardet nous entraîne dans l’univers des marvel comics avec L’Encyclopédie des super-héros. Enfin, et c’est une nouveauté, un spectacle de cirque est proposé avec Portrait chinois de Karim Messaoudi, où l’acrobatie devient une façon de dire qui l’on est. Ces six formes très différentes forment un kaléidoscope reflétant la variété des écritures d’aujourd’hui, dont les langages se fondent sur le texte, le corps, l’espace, l’univers sonore, visuel, vocal, etc. Chacun des six projets est né d’une démarche artistique originale. Cette année, je ne crée pas de spectacle pour Odyssées, je suis donc engagé auprès des artistes dans un travail d’accompagnement, de relai de leur créativité, en étant délié des enjeux liés au regard sur mon travail.

Le théâtre dédié à l’enfance et la jeunesse est-il plus libre, car moins borné et peut-être moins revendicatif que le théâtre pour tous ?

S.M. : On peut relever un paradoxe fécond dans le théâtre jeune public, qui s’avère un espace de grande liberté mais aussi de grande exigence. Plusieurs metteurs en scène m’ont confié qu’après avoir créé pour Odyssées une œuvre dédiée à la jeunesse, leur regard sur leur travail en général avait été renouvelé. Au théâtre, comme le souligne Peter Brook, « le diable, c’est l’ennui », et les plus jeunes laissent voir souvent ce qu’ils ressentent sans mentir. La question de l’adresse selon les tranches d’âge est primordiale, sur le fond autant que sur la forme. L’un des enjeux importants des spectacles jeune public est l’attention portée à la dimension éducative autant qu’à la dimension imaginaire, articulées autour de questions dramaturgiques et esthétiques. Le spectacle ne peut se contenter d’être le relai d’un discours éducatif, et je me suis toujours refusé à être dans une sorte de pédagogisme au détriment du travail créatif, du plaisir de l’imaginaire. Une pincée de transgression peut aussi apporter beaucoup, amène à exercer son esprit critique. La liberté des artistes encourage la liberté des jeunes spectateurs, le dialogue sur le sens, sur l’émotion, sur le jeu. Odyssées réjouit,  interroge et fait réfléchir…

 

 

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Festival Odyssées en Yvelines,
du lundi 13 janvier 2020 au samedi 14 mars 2020
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Centre Dramatique National.
Place Jacques Brel, 78500 Sartrouville.

Tél : 01 30 86 77 79.

www.theatre-sartrouville.com

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