La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -283-Dom Juan ou Le Festin de pierre

Un compagnonnage harmonieux, rencontre avec Jean Lambert-wild

Un compagnonnage harmonieux, rencontre avec Jean Lambert-wild - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Cité Internationale
Thierry Laporte / Jean Lambert-wild

Par Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra

Publié le 17 décembre 2019 - N° 283

Difficile de définir Jean Lambert-wild en trois mots tant il les aime et sait en user ! Disons seulement que son Dom Juan – ou plutôt celui de son clown – est assez fidèle à sa personne : un perfectionniste survolté aux chaussons de porcelaine raffinés et à la tête rougeoyante !

Pourquoi toujours cosigner vos spectacles à plusieurs ?

Jean Lambert-wild : Car c’est le principe de base de la coopération ! En coopérant, en préférant la polyphonie des regards plutôt que la cécité de la verticalité, on enrichit la dialectique, le questionnement et les compétences. Une œuvre doit se nourrir d’échanges et je trouve difficile et ennuyeux de travailler seul. La grande entente que nous avons Lorenzo et moi est une application exponentielle des possibles. Que Catherine Lefeuvre écrive, que Jean-Luc Therminarias compose, que Stéphane Blanquet dessine les tapisseries : tout cela réunit un geste commun qui nous est devenu naturel. Mais surtout, cela nous permet d’échapper à toute chapelle esthétique. Tout le monde parle de transition écologique et sociétale, mais c’est peut-être d’abord nos manières de faire et de penser qu’il faudrait changer ! En partageant, on questionne beaucoup de choses : la relation au pouvoir, à la direction, à l’héritage d’une idée, mais aussi, en l’espèce, au public et à l’acteur.

Pourquoi faire jouer en alternance tous les élèves de la dernière promotion sortante de l’Académie de l’Union ?

J.L.-w. : Nous sommes héritiers d’une tradition italienne, où la transmission transitaient par les troupes, par les familles, jamais totalement écrite ou même formulée, lacunaire par nature. L’adossement de l’Académie de L’Union au Théâtre de l’Union conserve cet héritage, en confrontant les académiciens au métier tel qu’il est. Ils en font l’expérience comme acteurs et comme témoins. Elle conduit naturellement à cette expérience déterminante qu’est la rencontre avec le public, dont la portée pédagogique est irremplaçable. Il est nécessaire de reformuler la question de ce qu’est l’apprentissage pour un artiste. L’une de ses dimensions importantes est, il me semble, une formation par capillarité, qui rejoint la forme de transmission et d’insertion professionnelle la plus riche à mes yeux, à savoir le compagnonnage. C’est cette logique de compagnonnage qui fut le conducteur de cette création. Ce fut une expérience salvatrice pour tout le monde : elle nous rappelle à chaque représentation que nous ne sommes que les gardiens d’une histoire commune et jamais d’un rôle.

« Nous sommes tous au service de quelque chose qui nous dépasse. »

Pourquoi Yaya Mbilé Bitang en Sganarelle ?

J.L.-w. : Yaya enrichit le propos et accélère l’énergie du duo avec Dom Juan. La relation maître / serviteur gagne en profondeur et en paradoxe. C’est plus tendu. Yaya apporte aussi une tendresse absolue, une énergie débordante, un rire et une écoute qui sonnent juste à chaque fois.

Pourquoi des porcelainiers et des tapissiers ?

J.L.-w. : Tout a commencé lorsque j’ai rencontré Daniel Betoule, le directeur des Porcelaines de la Fabrique, qui avait accueilli Christian Couty et Stéphane Blanquet au sein de son entreprise pour réaliser l’armure en porcelaine de Richard III. Avec le Dom Juan, nous avions envie de donner encore plus de sens à notre rencontre et à notre coopération, avec cette idée folle d’un escalier en porcelaine de Limoges. Grâce à lui, j’ai ensuite rencontré Monsieur et Madame Creissen, de l’entreprise Néolice, qui ont réalisé ce magnifique décor en tapisserie en point numérique d’Aubusson. Je suis très fier de ces coopérations qui fait du Théâtre de l’Union l’ambassadeur des métiers d’art de sa région. La tournée de ce spectacle se poursuivra en Suisse, en Belgique, au Japon, en Corée, en Chine…  Elle valorisera ces savoir-faire. Je trouve passionnant de voir comment les artisans travaillent la matière. Nos rencontres sont toujours fondées sur des valeurs communes et nous sommes tous au service de quelque chose qui nous dépasse : une chose cachée justement dans la matière que nous travaillons.

 

Focus réalisé par Catherine Robert

A propos de l'événement

Dom Juan ou Le Festin de pierre
du lundi 13 janvier 2020 au samedi 15 février 2020
Théâtre de la Cité Internationale
17 Boulevard Jourdan, 75014 Paris

Du 13 janvier au 15 février. Lundi, mardi et vendredi à 20h30 ; jeudi et samedi à 19h.

Tél. : 01 43 13 50 50.

Comédie de Caen, CDN. Les 5 et 6 mai à 20h au Théâtre d’Hérouville. Durée : 1h40. Site : www.theatre-union.fr

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