Sylvain Maurice
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Publié le 10 octobre 2009
Richard III, un arlequin tragique et pervers
Richard III traverse le destin tragique du dernier roi Plantagenêt. Après Peer Gynt de Henrik Ibsen, Sylvain Maurice poursuit sa réflexion sur les ambivalences du vrai et du faux.
Quel éclairage souhaitez-vous porter sur Richard III ?
Sylvain Maurice : Il me semble que la force de Richard réside dans sa capacité à incarner de multiples niveaux d’illusions, à manipuler sans arrêt, et avec beaucoup d’habileté, le mensonge et la vérité. D’une certaine façon, il s’agit d’un arlequin, un arlequin tragique et pervers qui passe son temps à berner les autres personnages, sous le regard du public. Mais, c’est aussi à lui-même qu’il raconte des histoires, qu’il joue la comédie. Richard se situe dans un rapport totalement fictionnel à lui-même. Il s’agit vraiment d’un personnage caméléonesque : lorsqu’il se pose sur une feuille, il devient la feuille.
De ce point de vue, il est assez proche de Peer Gynt…
S. M. : Oui. Finalement, il y a une certaine logique à passer de Peer Gynt à Richard III. Comme la pièce d’Ibsen, Richard III est une fable sur le théâtre, sur l’art de l’acteur. En cela, elle se trouve au centre d’une des perspectives qui m’intéresse le plus au théâtre : le jeu entre le vrai et le faux, le pouvoir de l’art dramatique, la dissimulation, le mentir vrai… Dans cette pièce de Shakespeare, tout cela se met en place à travers des allers-retours permanents entre le tragique et la drôlerie, la noirceur et la légèreté.
« La monstruosité de Richard III est davantage un point de départ qu’un point d’arrivée. »
Quelle place l’idée de monstruosité occupe-t-elle au sein de votre représentation ?
S. M. : Pour moi, la monstruosité de Richard III est davantage un point de départ qu’un point d’arrivée. Dans cette pièce, c’est la monstruosité qui engendre la perversion. Richard se dit que puisqu’il est mis au ban de la société, puisqu’il est banni du regard de l’autre à cause de sa laideur, il n’a pas d’autre choix, pour donner une réponse à la souffrance qui est la sienne, que d’élaborer un projet pervers lui permettant de prendre le pouvoir.
Selon vous, Richard III est donc un symptôme de la société qui l’a vu naître…
S. M. : Exactement. Richard ne fait que catalyser la violence des autres, les égarements de l’époque dans laquelle il vit. Il est le fruit de la guerre des Deux-Roses. En disant cela, je ne cherche pas à excuser ses actes, mais à identifier le monde dans lequel il agit : un monde de déliquescence morale et politique auquel il va mettre le feu, feu qui finira par lui-même l’anéantir. Mais Shakespeare a voulu qu’avant de disparaître, enfermé dans sa solitude et son incapacité à aimer, il accède à une conscience tragique lui permettant de rejoindre une forme d’humanité.
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
Richard III, de William Shakespeare ; mise en scène de Sylvain Maurice. Du 5 au 7 novembre 2009. Et du 12 au 22 novembre au Théâtre Firmin Gémier/La Piscine à Chatenay-Malabry. Tél : 01 46 66 02 74.