SCEAUX JAZZ !

Lucky People, le titre du premier disque du tout nouveau Moutin Factory Quintet ne croit pas si bien décrire la joie de retrouver les jumeaux qui forment une sacrée paire. François à la contrebasse et Louis aux baguettes ont suffisamment bourlingué derrière tous ceux (ou presque) qui comptent dans le jazz pour ne pas sombrer dans les facilités d’usage à l’heure de signer de leur nom. Sens de la rigueur mélodique et souplesse du geste improvisé, leurs sentiments partagés et leurs qualités d’écoute devraient raisonner très fort à Sceaux What (18 et 19 octobre) auprès de partenaires au diapason : le pianiste Thomas Enhco, le guitariste Manu Codjia et le saxophoniste Christophe Monniot. C’est dans de telles perspectives que se positionne le contrebassiste Yves Rousseau, qui convie un Wanderer Septet pour visiter l’œuvre de Franz Schubert, avec lequel il a grandi. Des morceaux choisis, entrecoupés de textes de sa correspondance, constituent le prétexte idéal pour une relecture de ces pages les plus fécondes du romantisme (22 et 23 novembre). Et pour finir l’année 2013, le pianiste Éric Legnini vient avec sa nouvelle formule au grand complet – son trio augmenté de cuivres et vents, plus les voix de Mamani Keita et Hugh Coltman – pour un récital où le jazz flirte avec l’afro-pop et la soul funky (18 décembre).

Au fil des voix

Ce sont des traces parallèles qu’emprunte Baptiste Trotignon, lui aussi pianiste, lui aussi solidement rivé à la formule trio (dont Thomas Bramerie, complice de Legnini), lui aussi conviant deux voix à le rejoindre pour Song Song Song : Monica Passos et Jeanne Added ajoutent leurs couleurs contrastées pour ce projet aux contours pop, sans se contraindre à un format précalibré (24 janvier). C’est une manie : l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau s’est également entouré de deux chanteurs, Michael Robinson et Ron Smyth,  autant d’indices pour la direction artistique qu’il donne à son nouvel album, Considération, qu’il défend désormais sur scène : du blues certes, mais fortement gorgé de soul (23 février). En revanche, Aldo Romano délaisse le micro, qu’il avait récemment empoigné, pour se consacrer à ses premières amours. Le batteur italo-parigot repart en quartette 300 % jazz sur les traces de The Connection, album mythique de Freddie Redd sur Blue Note. Les amateurs devraient apprécier (21 mars). Last but not least, la saison se termine en beauté avec la pétulante Cécile McLorin Salvant (13 mai). Après avoir empoché le convoité Prix Thelonious Monk et s’être distinguée auprès d’Archie Shepp et Jacky Terrasson, la Franco-Américaine a publié Woman Child, un album dans la grande tradition qui confirme que l’on tient bien là l’une des grandes voix à suivre du jazz éternel.

Jacques Denis