La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -213-Les Gémeaux ~ Scène Nationale

Entretien Georges Lavaudant

Entretien Georges Lavaudant - Critique sortie Théâtre Sceaux Les Gémeaux
photo : Patrick Pineau dans le rôle de Cyrano

D’Edmond Rostand / mes Georges Lavaudant

Publié le 23 septembre 2013 - N° 213

Cyrano de Bergerac : une pièce d’amour

Patrick Pineau dans le rôle de Cyrano, Marie Kauffmann dans celui de Roxane, Frédéric Borie en Christian, Gilles Arbona en De Guiche… Georges Lavaudant réunit une troupe de 17 comédiens pour une version nerveuse et dépouillée de Cyrano de Bergerac.

« Pour interpréter Cyrano, il me fallait bien sûr un grand comédien, un comédien de la dimension de Patrick Pineau. »

Qu’est-ce qui est à l’origine de votre projet de mettre en scène Cyrano de Bergerac ?

Georges Lavaudant : Une décision collective. Je cherchais une pièce à mettre en scène au festival Les Nuits de Fourvière et à la MC93, une pièce qui s’adapte aux contraintes du plein air. Dominique Delorme (ndlr, directeur des Nuits de Fourvière), Patrick Sommier (ndlr, directeur de la MC93) et moi-même avons évoqué toutes sortes d’idées. Et finalement, de façon je dois dire assez inattendue, nous nous sommes arrêtés sur Cyrano de Bergerac.

Pourquoi dites-vous qu’il s’agit d’un choix inattendu ?

G. L. : Parce que Cyrano de Bergerac est un monument national, parce que de nombreuses espérances et de nombreux clichés sont liés à ce classique. Ce n’est pas le genre de pièces vers lequel je me serais dirigé spontanément. J’avais tort, car en la lisant je me suis aperçu que je ne la connaissais pas très bien. Et en y regardant de plus près, j’ai été surpris par la finesse de sa construction, la beauté de sa langue, par son étrangeté, sa richesse… Cyrano est une pièce d’amour. Son intrigue est beaucoup moins simpliste qu’il n’y paraît. Elle est constituée de plusieurs couches, de plusieurs niveaux de lectures possibles.

Avez-vous immédiatement pensé à Patrick Pineau pour interpréter le rôle de Cyrano ?

G. L. : Oui. Mais il a fallu le convaincre ! Il s’agit d’un rôle-fleuve, extrêmement long, d’un rôle complexe… Pour interpréter un tel personnage, il me fallait bien sûr un grand comédien, un comédien de la dimension de Patrick Pineau. Je travaille depuis longtemps avec lui. Je connais la palette de jeu impressionnante dont il dispose. De L’Orestie d’Eschyle à La Mort de Danton de Büchner, en passant par Un Fil à la patte de Feydeau, Patrick est capable de donner corps à la plus grande des inventions burlesques, mais aussi aux fêlures humaines les plus profondes. Patrick possède cette amplitude-là, cette agilité, cette dextérité qui lui permettent de passer, en une respiration, d’un univers à un autre. C’est un comédien qui se situe, à chaque seconde, au présent de la représentation, qui est dans un état d’inventivité permanente. Comme tous les grands acteurs, on ne sait jamais ce qu’il va faire. En cela, il ressemble d’ailleurs à Cyrano. Car Cyrano n’est jamais dans la préparation, dans l’anticipation. Il invente sur l’instant ce qu’il dit et ce qu’il fait, se laisse traverser par une spontanéité absolue.

Comment avez-vous abordé ce grand classique qui est empreint, comme vous l’avez dit, de nombreux clichés ?

G. L. : J’ai souhaité faire en sorte que ma mise en scène aille vite : comme une flèche que l’on tire, qui arrive à son but après une course rapide et tendue. Pour cela, nous avons effectué des coupes et des choix radicaux concernant les personnages. Le but était d’aboutir à une sorte de quintessence de l’œuvre, une version densifiée. Cyrano de Bergerac est une pièce à déploiements, une pièce à grand spectacle, une pièce à costumes : nous nous sommes attachés à la rendre plus nerveuse, à l’épurer en éliminant certains bavardages. Notre volonté a toujours été d’aller vers une forme de dépouillement, d’appréhender Cyrano dans ses fondamentaux plutôt que dans ces clichés.

Quels sont, pour vous, ces fondamentaux ?

G. L. : Comme je le disais, je crois que Cyrano est, avant tout, une histoire d’amour. Ensuite, il y a le côté misanthrope du personnage, le côté « seul contre tous ». Cyrano a toujours l’impression d’avoir raison contre le monde entier, comme l’illustre la tirade des « Non, merci ! ». Et puis, il y a quelque chose que je trouve frappant, c’est la correspondance qui se dessine entre Cyrano et Faust. Au centre de ces deux pièces, il y a un pacte. Comment fabriquer un être hybride, un héros de roman, quelqu’un de beau et d’intelligent qui n’existe pas ? C’est pour répondre à cette problématique que Cyrano et Christian s’allient. Leur pacte va les entraîner jusqu’à la mort.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Cyrano de Bergerac
du mercredi 4 décembre 2013 au dimanche 15 décembre 2013
Les Gémeaux
49, avenue Georges Clemenceau 92330 Sceaux

Du mercredi au samedi à 20h, le dimanche à 17h. Grand théâtre. Spectacle créé aux Nuits de Fourvière en juin 2013. Tél : 01 46 61 36 67. www.lesgemeaux.com
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