La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -184-2e2m

Ramon Lazkano

Ramon Lazkano - Critique sortie Classique / Opéra
Photo Ramon Lazkano : Olivier Roller

Publié le 10 janvier 2011

Un compositeur en son laboratoire

Cette saison, 2e2m explore l’œuvre de Ramon Lazkano, né en 1968. En six étapes, de janvier à juin, l’ensemble dévoile les multiples facettes du compositeur basque.

« L’idée de l’érosion, celles de l’effacement et du non-fini font partie de mon travail depuis vingt ans. »
 
 
Que représente pour vous cette résidence auprès de l’ensemble 2e2m ?
 
Ramon Lazkano : C’est un événement très important. Même si j’ai déjà eu le bonheur de travailler avec eux, le fait d’approfondir cette relation, qui est à la fois artistique et amicale, est essentiel. Faire de la musique est avant tout une question d’échanges, pas seulement avec le public, mais surtout dans la rencontre avec les interprètes. C’est fantastique de pouvoir travailler ainsi pendant plusieurs mois d’affilée sur des pièces très différentes, qui sont pour moi représentatives d’un certain parcours.
 
Travaillez-vous en relation directe avec les interprètes ou préférez-vous leur laisser une certaine liberté dans l’interprétation ?
 
R.L. : Les deux. Travailler avec les interprètes, c’est aussi une possibilité de s’enrichir de leur apport. De toute façon, pour l’interprète, la liberté existe forcément. La fidélité au texte, en musique comme en poésie, ne se résume pas à une lecture dénotative. Ce qui est fabuleux, c’est justement de pouvoir découvrir des visages différents de la musique que j’écris. Les instrumentistes peuvent avoir des intuitions différentes de mes intentions premières, et j’ai envie de découvrir ces autres possibilités.
 
Les pièces qui seront interprétées cette année par 2e2m font partie d’un même cycle…
 
R.L. : Je préfère parler de collection plutôt que de cycle. Pour moi, une collection révèle une attitude compulsive, un désir de totalité. En amassant des morceaux, on accède à la possession de multiples facettes d’un « objet anamorphique ». Dès qu’on voit un objet qui peut faire partie de la collection, on saute dessus. Mais, au départ, on ne se dit jamais : « Je vais faire une collection de ceci ou cela ».
 
Qu’est-ce qui fait le lien entre les pièces de cette collection ?
 
R.L. : C’est à la fois quelque chose de rationnel et d’irrationnel. Assez rapidement, je me suis référé au « laboratoire expérimental » du sculpteur basque Jorge Oteiza. Certaines de mes pièces présentaient des affinités – pas toujours les mêmes – qui m’ont amené à les regrouper. Pour autant, l’ensemble n’est pas planifié.
 
Le titre de la collection, « Le laboratoire des craies », contient en lui-même de nombreuses idées comme l’érosion, l’effacement… Étaient-ce ces thèmes que vous vouliez mettre en musique ?
 
R.L. : L’idée de l’érosion, celles de l’effacement et du non-fini font partie de mon travail depuis vingt ans, même si elles n’ont pas donné les mêmes résultats. Dans le trio Bihurketak de 1991, il y a déjà l’idée d’amenuisement, de fragilisation du son. Le Laboratoire des craies présente deux aspects très différents. Le laboratoire, c’est d’abord le lieu où l’on travaille, essaie, explore… Quant à la craie, c’est un matériau frêle, mais aussi un symbole, un outil d’inscription : c’est avec la craie, sur le tableau, qu’on nous a appris la parole. La craie porte aussi toute une mémoire d’enfance. Or, je pense que l’on ne vit que par l’érosion de la mémoire d’enfance.
 
Comment l’œuvre d’Oteiza vous a-t-elle inspiré pour vos pièces ?
 
R.L. : Là-bas, Oteiza fait partie de l’environnement. Au moment où je travaillais sur les pièces qui sont devenues la collection, j’ai compris qu’il y avait des affinités possibles entre l’œuvre d’Oteiza et la mienne. Pas tellement sur la matière, plutôt sur l’idée d’entassement des objets, de laboratoire, de recherche de chemins nouveaux. Une autre idée très présente chez Oteiza me plaît beaucoup : c’est le refus du gigantisme. Il considérait que l’objet le plus essentiel doit pouvoir être contenu dans le creux de la main. Cependant, je n’essaie pas de faire la même chose que lui : mon « laboratoire » est différent du sien.
 
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement



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