La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Profession : Quichotte

Profession : Quichotte - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2008

Pérégrinant dans le Quichotte comme son héros sillonne les routes imaginaires de la littérature, Jean-Louis Heckel et ses complices rendent hommage à tous les militants du rêve.

Parce qu’il est devenu un type, un symbole, un emblème, un prête-nom pour les causes ambitieuses, un surnom moqueur aussi parfois mais toujours en même temps la marque du panache, de la générosité et de l’obstination, Don Quichotte est depuis longtemps sorti du livre qui narre ses aventures chevaleresques jusqu’à devenir un matériau dont s’emparent avec bonheur créateurs et rêveurs de tous poils ! Ce n’est pas un hasard si les animateurs de la Nef se réclament de l’homme de la Manche et l’installent comme figure tutélaire de leurs aventures pantinoises tant se retrouvent en elles la liberté et l’utopie qui caractérisent sa quête. Jean-Louis Heckel, Claire Perraudeau et Baptiste Etard investissent donc le plateau de la Nef dans l’esprit du héros magnanime de Cervantès et naviguent dans cette œuvre comme son auteur le fait lui-même dans la littérature, avec un art subtil de la distanciation critique et de l’exaltation enthousiaste.
 
Jouer des matériaux, des conventions et des filiations
 
Un metteur en scène, un marionnettiste et une actrice répètent depuis quelques semaines une nouvelle adaptation de Don Quichotte et confrontent leurs points de vue sur l’œuvre et le personnage. Parce que cet ouvrage polymorphe et polysémique est le paradoxal miracle d’une littérature accouchant d’elle-même, parce qu’il est l’acte de naissance d’une modernité déjà grosse de ses avatars, son passage à la scène devient, comme d’évidence, le lieu d’un théâtre pris dans la dialectique féconde du dire et du dit où la représentation virevolte dans sa propre mise en abyme, où l’artiste joue à cache-cache avec son personnage et où la narration se déploie jusqu’à excéder les limites du récit. Ainsi, des crises de nerfs d’une Claire Perraudeau épatante de drôlerie et de fougue en comédienne agacée par le fantôme de Dulcinée et habitée par la belle Marcelle, aux angoisses existentielles d’un Jean-Louis Heckel errant dans le corpus critique né autour du Quichotte, en passant par les ruptures de conventions habilement ménagées par Baptiste Etard qui quitte son masque de manipulateur pour mieux replonger dans la fiction, tout concourt à jouer de cette œuvre comme elle-même joue de ses sources et de sa structure, avec l’ironie du décentrement permanent. L’équilibre ainsi assumé entre l’évocation et le commentaire permet aux trois complices de batifoler dans l’Histoire, retrouvant chez les grands utopistes, d’Einstein et Gandhi jusqu’aux militants actuels, des réincarnations d’une figure combattive, humaniste et inventive dont ils sont eux-mêmes les héritiers en même temps que les hérauts !
 
Catherine Robert


Profession : Quichotte, d’après Don Quichotte de Cervantès ; mise en scène de Jean-Louis Heckel. Le 14 février 2008 à 20h30 ; le 15 à 18h et 20h30 ; le 16 à 20h30 ; le 17 à 18h ; le 21 et le 22 à 18h et 20h30 ; le 23 à 20h30 et le 24 à 18h à la Nef.
 
La Nef, manufacture d’utopies. 20, rue Rouget de Lisle, 93500 Pantin. 01 41 50 07 20. www.la-nef.org

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