La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -174-2e2m

Pierre Roullier

Pierre Roullier - Critique sortie Classique / Opéra
Légende : Pour Pierre Roullier, « un concert mal organisé peut tuer une pièce ».

Publié le 10 janvier 2010

Un double profil : chef d’orchestre et directeur artistique

Cela fait cinq années que Pierre Roullier est à la tête de l’Ensemble 2e2m. Ce chef d’orchestre a su imprimer un nouveau souffle à l’ensemble de musique contemporaine. Il combine les convictions d’une baguette exigeante et l’esprit d’ouverture d’un directeur avide de découvertes.

« Ce qui m’importe, c’est qu’il y ait une nécessité dans l’acte de composer. »
 
Qu’est-ce qui vous séduit dans la fonction de chef d’orchestre ?
Pierre Roullier : D’un point de vue général, le chef d’orchestre a, par rapport aux instrumentistes, une relation plus globale avec la partition. C’est un aspect qui me tient particulièrement à cœur. En ce qui concerne plus spécifiquement la musique contemporaine, j’apprécie les rencontres avec les compositeurs, qui me permettent de comprendre leur philosophie. Par ailleurs, à l’Ensemble 2e2m, je cumule les fonctions de chef et de directeur artistique.
 
Quelles sont les différences entre ces deux attributions ?
P. R. : Prenons par exemple le répertoire. En tant que chef, j’ai des goûts affirmés. En matière de musique contemporaine, je me sens une grande complicité avec Ligeti, Kurtag, Berio, Kagel, mais aussi avec des compositeurs de la jeune génération comme Kourliandski. J’aime beaucoup dans la musique du passé les œuvres de Mozart ou de Rossini, mais par contre j’ai du mal avec la musique
« bourgeoise » d’un Richard Strauss. Mais en tant que directeur artistique, je me dois de dépasser mes propres goûts pour ouvrir des univers différents. Mais ce qui m’importe toujours, c’est qu’il y ait une nécessité dans l’acte de composer.
 
Comment concevez-vous la forme du concert ?
P. R. : Je n’ai pas de réflexion théorique. à chaque concert, je mets en avant un compositeur, qui occupe ainsi une place centrale dans le programme, en éclairant son univers et son langage. Quand nous avons eu en résidence Enno Poppe, je me suis rendu compte que sa musique développait particulièrement la notion d’articulation. C’est un
élément du discours que l’on retrouve beaucoup dans la musique du xviiie siècle. J’ai donc mis en rapport, dans un concert, des œuvres de Poppe et des partitions de Carl Philipp Emanuel Bach. Un concert mal organisé peut tuer une pièce.
 
Comment dénichez-vous les jeunes compositeurs que vous invitez en résidence ?
P. R. : D’un côté, je me déplace beaucoup, je vais écouter un grand nombre de concerts. De l’autre, nous avons la chance de recevoir à 2e2m une quantité impressionnante de partitions. J’essaie toujours de rencontrer en personne les créateurs afin de comprendre leur imaginaire. J’aime par ailleurs l’idée de mettre un jeune compositeur sous les feux de l’actualité. Aujourd’hui, un grand nombre de nos ex-compositeurs en résidence sont très reconnus. Je pense à Franck Bedrossian, qui est professeur à l’université américaine de Berkeley, ou à Oscar Strasnoy, qui écrit pour l’Opéra de Hambourg et le Festival d’Aix-en-Provence.
 
Y a-t-il une gestique spécifique du chef d’orchestre dans la musique contemporaine ?
P. R. : Dans un premier temps, en musique contemporaine, il est important de faire un travail de mise en place, car les musiciens ne connaissent généralement pas les œuvres, qui sont souvent des créations. Il faut donc démonter les mécanismes pour que les instrumentistes se situent dans la partition. C’est un répertoire qui est souvent assez complexe rythmiquement. Ensuite, nous passons au stade de l’interprétation. Nous travaillons l’équilibre, la prononciation, le phrasé, la texture, la forme…. Je remarque que les musiciens sont de plus en plus performants et de plus en plus ouverts vers le répertoire contemporain.
 
Qu’attendez-vous de vos musiciens ?
P. R. : Au-delà de leurs capacités techniques et de leurs engagements, j’attends qu’ils aient un appétit pour ce qu’ils ne connaissent pas. Ils doivent pouvoir se remettre en question. Par exemple, on peut leur demander qu’ils produisent des sons a priori considérés comme sales. J’apprécie aussi des talents pluridisciplinaires : dans une pièce de Jacques Rebotier, ils devaient récemment chanter et même danser ! Enfin, l’ensemble poursuit son travail envers le jeune public, entre 450 et 500 heures par an. Nous nous rendrons également, cette saison, en milieu hospitalier.
 
Votre travail de directeur artistique comprend-il aussi un volet administratif, et donc relatif au financement de la structure ?
P. R. : Dans le cadre de 2e2m, le rôle d’un directeur artistique n’est pas indépendant d’une responsabilité financière. Programmer telle pièce avec tel effectif a une incidence sur le budget. On ne peut pas faire comme si l’artistique et l’administratif étaient séparés. Il y a d’une part des investissements, notamment la résidence du compositeur ou la saison de concerts à Paris. D’autre part, il y a une économie de production, avec les spectacles et les œuvres qui partent en tournée. C’est cet équilibre à trouver qui nous est essentiel.
 
 
Propos recueillis par Antoine Pecqueur

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