La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -241-Centre des monuments nationaux

Opus Corpus

Opus Corpus - Critique sortie Danse Mont-Saint-Michel Abbaye du Mont-Saint-Michel

Abbaye du Mont-Saint-Michel / Chloé Moglia
Propos recueillis / Chloé Moglia

Publié le 25 février 2016 - N° 241

Dans le cadre du Festival Spring, Chloé Moglia présente son solo Opus Corpus au sein du réfectoire de l’abbaye du Mont-Saint-Michel. Une nouvelle expérimentation de l’art de la suspension.

« Le suspens suspend le temps. »

« La suspension, de près comme de loin, consiste à rester vivant, ou d’une certaine manière, à le redevenir. Cette pratique m’a enseigné qu’il faut, pour cela, savoir faire deux choses : premièrement, ne jamais lâcher ; deuxièmement, lâcher toujours. Reste ensuite à soigner la libre circulation de l’un à l’autre, ou leur maillage simultané. Ma ténacité dans l’espace du suspens est motivée par l’aspiration à contrebalancer la fragmentation du temps de nos vies, la fuite en avant et l’agitation vaine. Il s’agit de rassembler ce qui est épars pour retrouver un centre. Il m’importe ainsi de cultiver le silence d’où naît l’écoute, où s’élabore la pensée et d’où est originaire l’acte juste. Pour cela, il revient de soustraire l’accessoire, de s’extraire de l’agitation et d’exclure les idées : moyen habile d’accéder au centre, au cœur, à ce qui se rapprocherait de l’essence. C’est à ce prix que le suspens suspend le temps. Alors, par le centre, l’espace s’ouvre. Les turbulences cessent et l’on respire mieux. L’ici se tisse avec le maintenant et du réel se dévoile. Un segment du monde, modeste mais présent, se laisse voir. Délicatement on peut observer les forces à l’œuvre. Elles sont devant nous comme en nous. L’acte ne les crée pas, il en révèle des manifestations. Il leur donne “lieu d’être”.

La dimension verticale de l’élévation et des profondeurs

Opus Corpus chemine sur le fil de cette présence, par l’élimination méticuleuse de tout ce qui n’est pas précisément relié à ce chemin fragile, en lisière de gouffre – chemin qui met en jeu l’articulation de l’appui et de l’abîme, du haut et du bas, du lourd et du léger. Reste-t-il finalement quelque chose ? Attentifs, nous guettons la naissance de la forme, et la découvrons mouvante. De structure souple et ferme à la fois, elle se transforme suivant les courbes du chemin. Maillage provisoire, Opus Corpus, en suspendant brièvement l’élan horizontal de nos avancées, nous invite à basculer ensemble dans la dimension verticale de l’élévation et des profondeurs. La transition vers le Mont-Saint-Michel est toute tracée. Un horizon croisant une verticale nous dessine un symbole bien connu. Initialement, ce rocher était connu sous l’appellation de Mont Tombe : y sont nommés le haut et le bas, l’élévation et le risque de chute. Œuvrer au suspens dans un tel lieu, chargé d’histoire(s), de mythes, de symboles, appelle – encore plus qu’ailleurs – ce qui est personnel à s’effacer en soi : pour être pleinement, et sans entraves, partie du monde, impliqué à en épouser les forces. Afin qu’à travers soi puissent se révéler des formes témoignant simplement de ce qui est. »

 

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Opus Corpus
du vendredi 18 mars 2016 au vendredi 18 mars 2016
Abbaye du Mont-Saint-Michel


à 20h30. Tél : 02 33 89 80 04.

Centre des monuments nationaux, Hôtel de Sully, 62 rue du Faubourg Saint-Antoine, 75004 Paris. De mars à septembre 2016. Tél : 01 44 61 20 00.

www.monuments-nationaux.fr

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