Nicolas Flesch
©Nicolas Flesch
Nicolas Flesch
Publié le 10 janvier 2008
Sécurité ou liberté : doit-on choisir ?
L’écrivain Nicolas Flesch a imaginé pour La Nef une fiction politique qui esquisse la perspective ombreuse d’un avenir cadenassé dans les rets sécuritaires… Un futur pas forcément si lointain.
Quel a été le processus d’écriture ?
Nicolas Flesch : Pour répondre à la commande de La Nef, c’est-à-dire écrire un feuilleton de six épisodes sur le thème de l’utopie au travail et sur la ville de Pantin, j’ai travaillé à partir d’entretiens avec des habitants du quartier. J’ai ainsi rencontré longuement un ancien syndicaliste retraité et deux institutrices de l’école située au bout de la rue. Nous avons discuté de leur vision du travail, de leurs expériences. Les parcours diffèrent beaucoup évidemment, entre cet ancien ouvrier, qui travaillait dès quatorze ans, très marqué par Mai 68, par les grandes grèves de 1986, et ces deux femmes, venues à l’enseignement vers la trentaine, qui ont développé des modes d’apprentissages très originaux avec les enfants. Pour autant, tous les trois se rejoignent dans leur engagement humaniste, leur combat pour améliorer le sort des plus démunis.
« J’ai imaginé un monde sous l’emprise d’une surveillance totale. »
Comment avez-vous utilisé ces témoignages ?
N. F. : J’ai construit trois personnages à partir de la retranscription des entretiens, d’abord intégrale puis remaniée et condensée pour composer des portraits. Je pioche parmi ces propos et ces anecdotes, ainsi que dans la presse ou dans d’autres lectures, telles que Surveiller et punir de Michel Foucault, et La Grande surveillance, de Claude-Marie Vadrot. Je tisse ainsi les fils d’une politique-fiction avec des épisodes, des rebondissements… J’ai imaginé un monde sous l’emprise d’une surveillance totale, où mes personnages se réfugient dans une cave, à l’abri des caméras et des mouchards. Ce huis clos raconte la vie clandestine de ces trois opposants traqués par les forces de l’ordre. Les textes seront ensuite mis en scène par Jean-Louis Heckel avec trois comédiens et des marionnettes.
L’hyper surveillance vous semble-t-elle aujourd’hui menacer la liberté ?
N. F. : Les citoyens sont de plus en plus déresponsabilisés, voire infantilisés, et habitués très jeunes à la surveillance. Les gens sont progressivement, confortablement, amenés à rogner sur leurs libertés au profit de la sécurité. Les thématiques de la sécurité sont omniprésentes dans les médias et la politique. Poser ces questions dans le débat public me paraît essentiel.
Propos recueillis par Gwénola David
Le Feuilleton de La Nef, de Nicolas Flesch ; mise en scène de Jean-Louis Heckel ; jeu et manipulation de Claire Perraudeau et Baptiste Etard ; construction des marionnettes de Carole Allemand. A partir de janvier 2008, chaque jeudi.