La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Mireille Larroche

Mireille Larroche - Critique sortie Classique / Opéra
Photo Mireille Larroche : crédit La Péniche Opéra

Publié le 10 octobre 2011

Un laboratoire des « petites formes »

La fondatrice et directrice artistique de la Péniche Opéra revient sur la mission des compagnies nationales de théâtre lyrique et musical.

« Nous avons depuis toujours la volonté déterminée d’aller vers de nouveaux répertoires. »
 
 
La saison de la Péniche Opéra s’ouvre avec l’invitation lancée à une autre compagnie, celle d’Olivier Desbordes, Opéra éclaté.
 
Mireille Larroche : Ce sera notre premier rendez-vous parisien, mais la saison a déjà commencé, dès septembre, avec notre résidence à Fontainebleau. Nous disposons d’un outil de travail essentiel, qui est la péniche, mais il ne faut pas ramener notre activité aux seuls spectacles qui se déroulent à bord. La Péniche Opéra, c’est avant tout un laboratoire, un terrain d’expérimentation sur des « petites formes » – ou même sur de moins petites, comme les productions que nous avons présentées les années passées à l’Opéra Comique, à la Cité de la musique, à l’Opéra de Toulon ou à celui de Metz.
 
Quelles sont vos missions ?
 
M.L. : Au cours des années quatre-vingt, nous avons revendiqué, avec quelques autres (Christian Gangneron pour l’Arcal, Olivier Desbordes pour Opéra Éclaté, Charlotte Nessi pour Justiniana), un statut similaire à celui des compagnies de théâtre et de danse, mais avec des outils et des objectifs différents de ceux des maisons d’opéra. Nous avons obtenu le label de « compagnie nationale de théâtre lyrique et musical » en 1988. Nous avons pour mission essentielle de construire un maillage du territoire, en complémentarité avec les institutions lyriques. En terme de public, le travail essentiel est d’aller à la rencontre d’un public plus large, en opposition à l’élitisme qui caractérise les grandes institutions.
 
Est-ce le sens de votre résidence à Fontainebleau ?
 
M.L. : La résidence à Fontainebleau est l’une des formes de cette volonté d’aller à la rencontre des publics. Mais ce n’est pas la seule, puisque nous diffusons nos productions à l’échelle nationale et au-delà des frontières dans un réseau qui n’est pas celui des maisons de l’opéra, mais celui des théâtres municipaux, des scènes nationales, des conservatoires, des musées, des festivals… De plus, cette diffusion s’accompagne toujours d’actions artistiques, d’animations et de créations de spectacles.
 
Vous partagez avec les autres compagnies le souci de proposer un répertoire original, en dehors des sentiers battus.
 
M.L. : Nous avons depuis toujours la volonté déterminée d’aller vers de nouveaux répertoires, ceux qui sont délaissés par les maisons d’opéra, y compris certains classiques tombés dans l’oubli (La Colombe de Gounod, L’Ivrogne corrigé de Gluck, Rita de Donizetti…). Nous avons par exemple très vite mis l’accent sur l’opérette. Dans mon esprit, une production d’opérette devrait coûter plus cher que celle d’un opéra parce que l’opérette réclame des effets théâtraux, de la danse, une invention dont l’opéra peut davantage se passer.
 
La création tient aussi une large place dans la programmation.
 
M.L. : C’est un parti pris très clair. La création contemporaine n’est pas réservée à une élite et nous cherchons à ne pas l’enfermer dans une avant-garde. Nous ne présentons jamais deux créations contemporaines l’une après l’autre. Au contraire, nos spectacles mêlent souvent répertoire et création. Par exemple, cette année, la même soirée proposera Rita de Donizetti et une création de Vincent Bouchot, Elle est pas belle, la vie ?, d’après les Brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio. Travailler sur de petites formes permet aux compositeurs de se confronter à la dramaturgie, à la rencontre avec un texte, au temps de l’opéra qui n’est ni celui du théâtre ni celui de la musique.
 
L’esprit Péniche Opéra, c’est aussi la fidélité renouvelée chaque saison à des artistes.
 
M.L. : Une compagnie comme la nôtre n’est pas une troupe – un outil qui nous manque cruellement – ; je parlerais plutôt de compagnonnage. Certains artistes s’inscrivent dans la mémoire de la Péniche : ils ne viennent pas seulement pour chanter mais proposent des idées, des partitions. Par exemple, c’est Dominique Visse qui a amené le projet de Mare Nostrum de Kagel. Avec lui nous présenterons cette saison À corps et à cris, une forme bizarre, bien plus qu’un concert, où nous approfondissons la dimension de spectacle en développant une thématique – celle du « cri ». L’esprit Péniche Opéra, c’est aussi l’occasion de travailler avec des philosophes, des scientifiques, des psychanalystes… et de définir un autre type de rencontre, entre concert, installation et spectacle. L’art et la science se croisent aujourd’hui de multiples manières. Nous essayons, à notre façon, de les faire se rencontrer.
 
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement



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