Médée de Sénèque, mise en scène de Tommy Milliot

Depuis sa création en 2014, la compagnie Man Haast de Tommy Milliot s’est forgé une belle réputation d’exploratrice des écritures contemporaines, en particulier étrangères. Depuis Lotissement de Frédéric Vossier jusqu’à Massacre de Lluisa Cunillé en passant par Winterreise du Norvégien Fredrik Brattberg et La Brèche de Naomi Wallace, le metteur en scène et sa dramaturge Sarah Cillaire portent à la scène des textes qui disent le présent par des récits et des formes pleines de trouble, de mystère. C’est pour mieux revenir ensuite à cette recherche qu’ils décident de monter aujourd’hui la Médée de Sénèque. Cette aventure hors de leurs terrains habituels les mène à approfondir leur relation forte aux mots, qui sont ici ceux de la transformation.

De la femme au monstre

Mettre en scène Médée, pour Tommy Milliot, c’est « voir le monstre ». Largement nourris par le regard porté sur Sénèque par sa traductrice Florence Dupont (Éditions Le Spectateur Français, 2004), lui et son équipe s’y attellent en approchant l’héroïne comme on avance vers une inconnue. Ils créent pour elle un « espace de projection sensoriel ». Un lieu abstrait où les couleurs et les matières ouvrent un chemin direct vers l’émotion, où « le son définit lui aussi l’espace en s’approchant au plus près des spectateurs ». C’est cet espace qui permet la métamorphose de la femme éponyme de la pièce de Sénèque en infanticide. C’est en son sein qu’elle devient monstre et donc mythe, dont Man Haast montre toute la tragique actualité.

Anaïs Heluin