Marien Tillet « Trouver le flow du conteur »

« Il s’agit de trouver l’auteur chez le conteur. »

Qu’est-ce que le « flow du conteur » dont vous parlez souvent ?

Marien Tillet : Le flow, c’est aller à l’essentiel, c’est-à-dire à l’action, en évitant la psychologie, car l’histoire se crée avec des actions, à travers l’idée qui me traverse mais au-delà des mots que j’ai choisis. Une langue originale surgit par le conteur : elle dépasse celle qu’aurait produit l’intelligence. Dans le cadre des Labos, on cherche à trouver sa langue en fonction de ce qu’on est : il s’agit de trouver l’auteur chez le conteur. Trouver le flow, c’est sortir du rythme naturel de la langue. Former les conteurs, c’est les préparer au plateau, ce qui ne s’improvise pas.

Pourquoi le conteur comme « auteur au plateau » ?

M. T. : Ecrire au plateau permet de trouver organiquement une bonne histoire, qu’elle soit adaptée ou originale. Le plateau permet d’éviter les longueurs, permet les coupes et le montage. Le plateau appelle à se balader dans une histoire que l’on découvre ou que l’on ne connaît pas si bien. La langue du texte naît au plateau avec mon corps et ma voix. Je ne sais pas apprendre un texte d’abord écrit : au moment de le dire, je sens que je ne suis pas crédible. Je suis très attaché à la fiction, au fait d’embarquer les spectateurs dans quelque chose qui ne relève pas de l’actualité trop brûlante. Une fiction, une bonne histoire, un bon conte, portent en eux tout ce qu’il faut. Plus une histoire est assumée en tant que telle (une succession d’événements qui nous captivent) plus le point de vue caché derrière a vocation à toucher les spectateurs. On est prêt à croire en un personnage, pas forcément à un orateur qui nous dit ce qu’on doit penser.

Propos recueillis par Catherine Robert