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L’humanisme de la musique de chambre

L’humanisme de la musique de chambre - Critique sortie Classique / Opéra
Crédit : Gérard RONDEAU

Publié le 10 mars 2008

Le Quatuor Ysaÿe se lance dans l’intégrale des Quatuors de Beethoven. Une entreprise audacieuse, qui donnera lieu à une parution discographique.

Fondé en 1984, le Quatuor Ysaÿe est l’une des formations françaises de musique de chambre les plus anciennes encore en activité. Tout au long de leur histoire, Beethoven a occupé une position cruciale. Au m
usée d’Orsay, les chambristes se lancent dans leur huitième intégrale. De quoi mesurer l’évolution de leur interprétation. L’altiste Miguel Da Silva confie : « Nous prenons de plus en plus le goût du risque, nous allons plus loin dans l’expression, en étant moins inquiets de la faute technique, concrète. De toute façon, elle arrivera. Mais ce qui serait bien plus grave, ce serait de ne pas s’écorcher à cette musique. » Même pour un ensemble aussi rodé que les Ysaÿe, le corpus beethovénien reste un défi à surmonter. Certains quatuors durent ainsi près de trois quarts d’heure, parfois sans interruption. « On en ressort pas indemne, confirme Miguel Da Silva. Au-delà du challenge physique, musculaire, on se livre totalement. C’est un véritable exercice d’introspection. » Ces œuvres sont d’autant plus délicates à interpréter qu’elles sont d’une grande diversité stylistique. Rien de commun entre les Quatuors « Razumovsky » et l’opus 131. « Beethoven est inclassable. Ses premiers quatuors sont une référence au père de la forme, Haydn. La période médiane est instrumentalement la plus virtuose, la plus audacieuse. Et les derniers quatuors offrent la musique la plus chaotique jamais écrite », explique l’altiste.
 
Engagement pédagogique
 
Ce qui frappe chez les Ysaÿe, c’est leur grande maîtrise instrumentale associée à une vision humaniste de la musique. On peut sans doute expliquer leur rapport complice et structuré au texte musical par leur mode de fonctionnement. Trois ou quatre répétitions sont invariablement programmées chaque semaine, tandis qu’en tournée, le travail se fait en non-stop. On en oublierait presque que le Quatuor a souvent changé de visages au cours de son existence. Parmi les étapes importantes, il faut citer l’arrivée du violoniste Guillaume Sutre ou encore le départ du violoncelliste Marc Coppey. Loin de regretter ce turn-over, Miguel Da Silva remarque que « les Ysaÿe sont pétris des différentes personnalités qui ont participé au projet. Je n’ai jamais oublié mes collègues qui ont traversé l’histoire du quatuor ». Les Ysaÿe se distinguent aussi par leur engagement pédagogique. Depuis 1994, ils dirigent une classe de musique de chambre au Conservatoire de Paris. « Quand nous avons créé le quatuor, nous n’avions pas de possibilité de conseil et de référence. Nous avons lancé cette classe au CNR de Paris pour offrir un lieu d’écoute et de dialogue. Nous sommes fiers d’avoir vu passer les quatuors les plus prometteurs du moment : Psophos, Ebène, Modigliani, Voce. Mais il nous importe aussi d’influencer le musicien d’orchestre ou le professeur en devenir », observe Miguel Da Silva. Dernière aventure en date du quatuor : le lancement de leur propre label. Après avoir été longtemps sous la tutelle de Decca, les Ysaÿe ont souhaité voler de leurs propres ailes. « Les majors ne s’intéressent plus à la musique de chambre, déplore l’altiste. Nous avons gagné aujourd’hui, avec notre label, la liberté de pouvoir faire ce que nous voulons. » Le label décline également une collection destinée aux jeunes solistes – on y retrouve la violoniste Fanny Clamagirand, le Quatuor Benaïm – et s’apprête à créer une série d’enregistrements historiques. Le premier volume sera consacré à la musique pour piano de Debussy avec des enregistrements de Marcelle Meyer ou Arturo Benedetti Michelangeli, provenant des fonds de la Bibliothèque Nationale de France. En attendant, le prochain enregistrement du label sera l’intégrale des quatuors de Beethoven, prise sur le vif lors des concerts d’Orsay. Pour Miguel Da Silva, « le public est partie prenante de ce projet. C’est cela le bonheur du live ».
 
A. Pecqueur


Le 15 mars à 20h et le 16 mars à 16h (2ème, 11ème, 15ème), le 22 mars à 20h et le 23 mars à 16h (12ème, 7ème), le 29 mars à 20h et le 30 mars à 16h (3ème, 10ème, 13ème), le 5 avril à 20h et le 6 avril à 16h (4ème, 14ème, 1er), le 12 avril à 20 h et le 13 avril à 16h (5ème, 13ème, 8ème), le 19 avril à 20h et le 20 avril à 16h (6ème, 16ème, 9ème) au musée d’Orsay. Entrée libre.

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