LES JEUNES VOIX DU CREA
LE CENTRE D’ÉVEIL ARTISTIQUE D’AULNAY-SOUS-BOIS FÊTE AVEC ÉCLAT SES
VINGT ANS D’EXISTENCE.
Ce fut l’un des rares sujets culturels abordés durant la dernière campagne présidentielle. Le thème de l’éducation artistique à l’école a suscité des débats aussi bien à droite qu’à gauche. A Aulnay-sous-Bois, une institution développe depuis vingt ans le lien entre pratique musicale et intégration sociale : le CREA. Son directeur, Didier Grojsman, l’affirme sans détour : « Je crois que le développement artistique permet de devenir un citoyen construit ». La structure propose, en dehors du temps scolaire, pas moins de cinq choeurs, adaptés aux différentes tranches d’âge. Les répétitions se déroulent une fois par semaine, sans compter les week-ends de travail et les stages en province. La spécificité du CREA est de ne pratiquer aucune sélection. « Ce n’est pas un obstacle d’avoir un enfant handicapé ou qui chante faux. Je suis contre notre société de casting », déclare Didier Grojsman. Ce brassage a également pour but de développer la mixité sociale.
Dans les choeurs se retrouvent à la fois des fils de cadres et des enfants issus de familles défavorisées. Le directeur du CREA dit cependant « avoir de plus en plus de mal à faire venir des enfants de l’immigration. Cela est sans doute dû à un renforcement des valeurs de l’intégrisme. Or, dans nos spectacles, les enfants dansent, se travestissent… » Les concerts de ce centre d’éveil artistique se situent en effet à l’opposé des prestations de certains choeurs d’enfants, ânonnant leurs partitions en rangs serrés. Les jeunes chanteurs participent ici à de véritables créations lyriques, nécessitant un travail dramatique, chorégraphique et costumé ! « Depuis 1989, nous avons commandé dix-huit opéras à des compositeurs. Car il faut rappeler qu’il n’y avait pas de répertoire pour notre formation », explique Didier Grojsman. Depuis l’écriture néo-classique d’Isabelle Aboulker jusqu’au jazz vocal de Thierry Lalo, ces opéras jouent la carte de la diversité stylistique. En outre, le CREA organise chaque année un spectacle autour de la chanson française, mêlant Trenet à Sanseverino et Brel à Juliette.
PROGRAMMATION ÉCLECTIQUE
Parrainés par la soprano Natalie Dessay, les cinq jours anniversaires du CREA refléteront ce savoureux mélange des genres. Temps fort des festivités, le spectacle La vie secrète de Marioline Serin tente un pari original : réunir dans une même oeuvre des extraits des différentes créations données jusqu’à présent par le Centre. C’est la chorégraphe Laura
Scozzi qui mettra en scène ce spectacle annoncé comme « loufoque et déjanté ». « J’ai été impressionnée par la curiosité des jeunes choristes. Ils sont prêts à tout essayer », confie Laura Scozzi, avant d’ajouter que « le corps sera très engagé durant ce spectacle ». D’autres concerts donneront l’occasion d’entendre des choeurs de province, qui s’inscrivent dans la même démarche que le CREA. De nombreuses actions pédagogiques émailleront la manifestation. En complément, différentes conférences s’interrogeront sur la philosophie de l’éducation (avec notamment le scientifique Albert Jacquard), sur la création ou encore la pratique amateur. Des enjeux souvent politiques, à la mesure du souhait actuel de Didier Grojsman : « Notre centre a besoin de disposer d’un lieu qui lui soit propre. Je n’ai plus envie de m’épuiser à trouver des salles de répétition. C’est une étape que nous devons maintenant passer. » En attendant, les enfants sont de plus en plus nombreux à vouloir rejoindre cette pépinière artistique qui réussit le tour de force d’être à la fois ambitieuse et accessible.
Antoine Pecqueur
Le CREA a 20 ans, du 3 au 7 octobre.