La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -171-giordano

Laurent Vacher

Laurent Vacher - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2009

Parcours sensible entre concret et infini

Laurent Vacher, directeur de la Compagnie du Bredin, a créé Des Signes des temps en 2002. Il reprend aujourd’hui ce spectacle avec une équipe de comédiens en partie renouvelée.

Comment vous est venue l’idée d’adapter les textes de Bruno à la scène ?
Laurent Vacher : L’idée est venue de Paul Felenbok, le père de l’administratrice de la Compagnie du Bredin, astrophysicien, à l’occasion de l’anniversaire, en l’an 2000, de l’exécution de Bruno sur le Campo dei Fiori, à Rome. Le spectacle a été créé en mai 2002 à l’Observatoire de Nice. Avant d’en arriver là, il a d’abord fallu que je lise les œuvres de Bruno. Le montage des textes a été réalisé en complicité avec Ariane Gardel. Bruno a écrit des textes aux formes diverses. Petit à petit, j’ai cherché à faire du théâtre avec ce matériau.
 
Comment la forme du spectacle est-elle née ?
L. V. : La première piste qui s’est imposée est celle de l’errance européenne de Bruno, systématiquement pourchassé non pas parce qu’il commet des crimes mais parce qu’il pense. La déambulation, métaphore de cette errance, m’a parue très vite assez juste, d’autant plus que ce spectacle se destinait à des lieux non théâtraux qui offraient le cadre et l’opportunité de cette déambulation. J’ai ensuite eu l’idée que le texte de Bruno pouvait se réincarner dans une mouche agaçant les puissants : de là est né le jeu de la mouche dont se saisissent les comédiens chacun leur tour et le jeu du changement de rôles.
 
Pourquoi avoir choisi trois comédiens pour jouer ce spectacle ?
L. V. : Au départ, j’ai proposé l’aventure à Benoit Di Marco et à Laurent Lévy que je savais passionnés d’astronomie et de philosophie. J’ai fait appel à un troisième comédien : Martin Selze à la création et aujourd’hui Pierre Hiessler. Avec la reprise, des choses ont encore changé mais je conserve un trio qui correspond aux trois mouvements du spectacle : la construction de l’homme qui se bâtit et constitue sa pensée de Naples à Londres, la deuxième partie à Londres et la troisième partie, celle de l’obstination et du combat à mort. L’enjeu était de confier une partie à chaque comédien en évitant l’incarnation unique.
 
« Regarder au plus loin pour se connaître au plus près. »
 
Cette pensée incomprise en son temps est-elle accessible à tous ?
L. V. : Oui, je crois que c’est un spectacle pour tout le monde, même si c’est selon des modalités différentes. L’accessibilité est d’ailleurs une des grandes leçons de Bruno. C’est un homme qui réfléchit sur l’infini, sur la magie mais qui, en même temps, est toujours puissamment enraciné dans le charnel et le concret. C’est un homme qui aime la vie et la chair : il en est souvent question dans sa poésie. Il disserte sur le nombre infini des mondes en gardant les deux pieds sur terre et en ramenant toujours tout à des choses simples et évidentes. Sa devise était qu’il faut regarder au plus loin pour se connaître au plus près : j’ai voulu garder le mouvement de cette devise dans la mise en scène.
 
En quoi Giordano Bruno demeure-t-il un homme exemplaire ?

L. V. : Sa pensée est toujours à défendre dans son actualité. Non seulement quant à l’hypothèse de la multiplicité des mondes et à celle de l’infini mais aussi quant à l’idée qu’il ne faut pas se fier uniquement à ses sens, qu’il faut apprendre à regarder plus loin que loin. Géographiquement né au pied d’un volcan, Bruno en a le caractère turbulent. Le bonhomme devait être assez agaçant, mais ce personnage rebelle est un remarquable exemple de résistance. Bruno reste entier jusqu’à la fin, refusant le compromis, empêchant les imbéciles de régner tranquillement. Que retenir de Bruno ? Qu’il ne faut pas lâcher ses convictions, quitte à en mourir. De toute façon, on finira par mourir… Donc pourquoi continuer à vivre si vivre c’est renoncer à tout ce pourquoi on a vécu ?

 


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