Jezebel de Cherish Menzo

Premier spectacle de la danseuse néerlandaise Cherish Menzo, Jezebel a remporté dès sa création, en 2019, un Amsterdam Fringe Award et un International Bursary Award. Interprète des chorégraphes les plus en vue de la scène internationale actuelle, tels que Eszter Salamon, Akram Khan, Olivier Dubois ou Jan Martens, soliste repérée de Sorry But I Feel Slightly Disidentified de Benjamin Kahn, Cherish Menzo trace son chemin à travers le démantèlement des clichés. Avec Jezebel, la danseuse et chorégraphe devient le symbole d’une esthétique féminine engagée dans une réflexion politique sur les stéréotypes (en l’occurrence, autour du corps de la femme noire). Pour les désamorcer, elle a choisi comme modèles les fameuses « video vixens », aguicheuses qui dansent en tenues légères dans les clips de hip-hop des années 1990. Représente-t-elle une femme ? Peut-être, mais il s’agit avant tout d’une image. L’image des objets sexuels utilisés par des industries ayant fait fortune.

Femme fatale

Faisant référence à la reine biblique, synonyme de séduction et de luxure, la Jezebel contemporaine de Menzo refuse que les autres la définissent. Elle fait joyeusement voler en éclats nos attentes. Plutôt que de prendre le parti de la dénonciation, elle préfère la surcharge et l’exubérance. Toute la performance de Menzo se situe à la croisée de la menace et de l’aliénation, avec pour paysage sonore la musique à la fois puissante et inquiétante de Michael Nunes. Ongles démesurés, échos de rugissements, short en latex rose, twerk débridé… Elle pousse le stéréotype de la femme fatale à son comble. Pour mieux le renverser. Car finalement, le personnage qu’elle incarne pourrait tout aussi bien être une de ces « queens du voguing » qui dénonçaient par leur danse tout ce à quoi leur communauté ne pouvait avoir accès : luxe, mode, richesse. Cherish Menzo concentre ici toutes les problématiques qui agitent notre sphère politique. De #MeToo à Black Lives Matter, en passant par les questionnements sur le genre.

Agnès Izrine