Immaterial de Venuri Perera

Après avoir longtemps dansé le kandyan, pourquoi avoir créé votre propre langage ?

Venuri Perera : Bien que je sois éternellement reconnaissante au kandyan pour la formation qu’il m’a offerte, la forme qu’il emprunte ne se prête plus aux sujets qui m’intéressent aujourd’hui. Après l’indépendance du Sri Lanka, cette danse est devenue le symbole culturel du nationalisme bouddhiste cinghalais et de la respectabilité de la classe moyenne. Or, à travers mon travail, je souhaite m’engager contre la violence du nationalisme, contre le patriarcat, contre les discriminations de classes.

Vous dites que vous vous intéressez au corps en tant que provocateur politique. Qu’entendez-vous par là ?

V.P. : Un jour, quelqu’un a dit cette chose à mon propos. Comme je trouvais cette formulation juste, je l’ai reprise à mon compte. Je suis issue d’un milieu militant. Mes performances ont toujours été conçues en réaction à ce qui se passait dans mon pays. J’ai longtemps fait en sorte de provoquer le public, de le mettre mal à l’aise, de l’amener à questionner le statu quo. Mais, aujourd’hui, je m’intéresse davantage à la possibilité de créer des conditions de connexion et de guérison à travers le corps et la performance.

« Je m’intéresse à la possibilité de créer des conditions de connexion et de guérison à travers le corps et la performance. »

Quel est le sujet d’Immaterial ?

V.P. : Dans cette pièce, j’explore les façons de travailler sur les choses qui se transmettent du passé au présent. Je réfléchis à ce que nous devons faire pour lâcher prise, pour changer de perspective sur ce qui est irréalisable. J’envisage ce que nous devons cacher afin de rejeter les identités qui nous sont imposées et trouver une connexion plus profonde avec nous-mêmes. Comment reconnaître la complexité de nos héritages ? Je souhaite également réfléchir à nos similitudes, tout en acceptant nos différences. Les différentes étapes de The Heroine’s Journey, de Maureen Murdock, servent de cadre dramaturgique à cette nouvelle performance.

Propos recueillis et traduits par Delphine Baffour