Jacques Allaire
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Publié le 10 mars 2009
Une invitation au voyage via Le Capital
Jacques Allaire signe un singulier Marx matériau/celui qui parle, une adaptation scénique et conviviale du Capital, ouvrage-phare de la philosophie marxiste dont la résonance actuelle vibre. Une enquête pleine d’humanité sur notre vie socio-économique.
« Une analyse lumineuse de notre condition humaine, sociale et économique. »
Selon vous, les écrits de Marx invitent sur le plateau à une posture critique face au capitalisme et à la société libérale.
Jacques Allaire : L’œuvre de Marx – penseur qui agit sur le monde – représente l’expression d’une pensée libre. En compagnie des spectateurs qui l’entourent et dont il ne se distingue pas, le comédien Luc Sabot, à l’origine du projet, mène une enquête sur ce qu’est notre vie économique. Le dispositif est restreint et n’accueille qu’une soixantaine de spectateurs ; c’est un décor en bois qui fait songer à un chez-soi imaginaire, cave ou grenier avec fauteuils et tapis, sans porte ni fenêtre, où l’on discute entre amis à bâtons rompus autour d’un verre de vin. Travail, salaire, profit, la dialectique marxiste bat son plein. La parole vertigineuse et effrénée du comédien lance un défi à la prétendue complexité de l’œuvre philosophique. Il en résulte une analyse lumineuse de notre condition humaine, sociale et économique. La fulgurance de la pensée pousse le spectateur à circuler librement dans l’espace, à l’écoute privilégiée du discours marxiste qu’il entend clairement.
D’où naît la pensée d’une économie libérale et du capitalisme ?
J. A. : Le spectacle prend intuitivement appui sur cette scène initiale : on éteint les lumières et dans l’obscurité du lieu surgit un vieux globe terrestre, une représentation du monde du seizième siècle. On est face à l’autre, face à soi, face à l’univers.
Pendant seize siècles, on a pensé que la Terre était immobile au centre de l’univers. L’idée du mouvement a progressivement changé la pensée du monde et installé l’avènement de l’économie libérale, son principe de mouvement, d’échange et de déplacement.
Quel est le point de vue de “celui qui parle“ ?
J. A. : Le spectacle plonge le public dans la pensée de l’économie libérale et joue le jeu du capitalisme, hors de tout militantisme. C’est à cette condition du recul que s’exerce notre esprit critique. Comment gagner toujours plus d’argent ? Il faut réfléchir au coût des repas, calculer son salaire. L’économie libérale ne vise pas le bonheur, même s’il est possible. Son objet concerne la production croissante de la plus-value, du bénéfice et du profit. Il nous reste à replacer le libéralisme dans l’histoire relative de l’humanité et à remettre en question la pérennité d’un tel système. C’est le propos d’un théâtre poétique et politique, prêt à s’ouvrir à la dimension environnementale du monde.
Propos recueillis par Véronique Hotte
Marx matériau/celui qui parle, d’après Le Capital de Karl Marx, mise en scène Jacques Allaire, du 31 mars au 4 avril.