La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Gérard Hourbette

Gérard Hourbette - Critique sortie Jazz / Musiques
Gérard Hourbette

Publié le 10 janvier 2008

Penser la création musicale associée à l’image

Compositeur, membre fondateur et directeur d’Art Zoyd, Gérard Hourbette explique la démarche et l’originalité du groupe.

Comment définiriez-vous aujourd’hui votre démarche ?

G. H. :
L’association de la musique à d’autres formes artistiques, d’abord la danse, puis le théâtre et aujourd’hui la dramaturgie de l’image, marque sans doute notre singularité. Mais au-delà d’un groupe, Art Zoyd se veut un véritable laboratoire, un bouillon de culture où les projets germent, grandissent, se télescopent. Ouvert voici plus de dix ans, notre studio de création et de production accompagne des résidences de compositeurs et des projets d’artistes associés, notamment Kasper T. Toeplitz et Patricia Dallio. Le désir de partager des expériences, de développer des collaborations inédites, d’explorer d’autres champs artistiques et de nouveaux croisements trace un fil conducteur dans notre histoire. Chaque projet induit un instrumentarium différent, donc une distribution – comme au théâtre – variée.
 
 « Je considère le film comme un livret d’opéra. »
 
Depuis Nosferatu en 1988, vous créez beaucoup de ciné-concerts. La musique seule en scène vous paraît-elle une forme dépassée ?

G. H. :
En 1985, Roland Petit nous a passé une commande pour un ballet, Le Mariage du Ciel et de l’Enfer. Cette expérience nous a révélé que la musique contemporaine, considérée comme confidentielle, pouvait rencontrer un succès populaire sans rien concéder de son exigence. Allier la musique à une autre forme scénique la rendait plus lisible aux oreilles d’un public non averti. Or l’étroitesse de la diffusion de la création musicale contemporaine bride d’autant ses moyens et handicape le développement de grands projets. Pourquoi une musique nous bouleverse-t-elle dans un film alors qu’elle nous ennuie en concert ? Face aux conformismes des rituels habituels, réinventer des codes, des immersions et des intelligibilités nouvelles nous a paru capital. D’autant plus que, au fil des ans et des évolutions technologiques, Art Zoyd a un peu délaissé l’instrumentation classique pour l’électronique et l’électro-acoustique. En perturbant la localisation du son sur la scène, donc l’identification du musicien, cette mutation a brouillé la visibilité et la théâtralisation du geste instrumental. D’où l’idée de tenter des expériences musicales autour du cinéma muet pour rajouter une tension dramatique.
 
Comment choisissez-vous les films ?

G. H. :
Les grands mythes me semblent toujours porter des questionnements essentiels, que la musique, en tant que moyen d’expression, se doit d’aborder. Ainsi Nosferatu sur l’épidémie, Faust sur la rédemption, Metropolis sur le chaos… Je ne crée pas des mélodies décoratives, formatées par le divertissement, ni par la noirceur complaisante non plus d’ailleurs. Mes partitions reflètent ce que je vis et les rencontres qui me remuent, me déroutent.
 
Quel est le processus de création avec le film, autrement dit à partir d’une œuvre existante ?

G. H. :
Je considère le film comme un livret d’opéra. Défi artistique passionnant car il ne se satisfait jamais de l’illustration, redondante, ou d’une lecture qui se voudrait définitive, trop fermée et sans subtilité. J’essaie de trouver une interprétation profondément personnelle et risquée de l’œuvre. Le processus de création, très instinctif, part évidemment du film. Je m’en imprègne en le regardant beaucoup avant de passer à la phase de composition. Puis suit une longue période d’aller-retour entre les images et la partition.
 
Dans Metropolis par exemple, vous superposez plusieurs partitions de différents compositeurs. Comment se déroule cette collaboration ?

G. H. :
J’aime frotter mon écriture à celles d’autres compositeurs, amis ou associés, pour révéler des contrastes ou des concordances. Avec Metropolis, j’ai imaginé une manière de découper et de superposer plusieurs partitions, avec leur accord bien sûr. J’obtiens ainsi une œuvre hybride, une méta-musique qui sonne comme une fête foraine où percerait le tumulte de la vie. C’est-à-dire la musique même de la vie.
 

Entretien réalisé par Gwénola David et Jean-Luc Caradec


 

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