La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Femmes d’ailleurs

Femmes d’ailleurs - Critique sortie Danse
Crédit : Laurent Philippe Légende : Héla Fattoumi s’expose en revêtant le voile intégral dans Manta.

Publié le 10 mars 2010

Trois œuvres réalisées par trois femmes : des mises en scène de la féminité et de l’humanité, en prise avec l’urgence d’une expression poétique et politique.

Avec Madame Plaza, la marocaine Bouchra Ouizguen invite sur le plateau quatre voix, celles des aïtas, divas aux souffles percutants. La générosité de leur art, porté le plus souvent dans des temps ou événements populaires, leur vaut le rejet, la rupture, la mise au ban, mais aussi curieusement une certaine admiration. La chorégraphe donne matière à leur présence, à l’épaisseur de ces corps non rompus aux gestes et aux canons de la danse. Nonchalance, latence, pauses complices, l’étrangeté et la pesanteur de leur façon d’être au monde prend peu à peu une épaisseur saisissante. Elle réussit à balayer toute forme de clichés, et parvient à déplacer notre regard sur ces femmes. Où l’on découvre leur humour décalé et la profonde empathie suscitée par ces petits riens qui composent le spectacle. Dans Manta, en dehors du propos incisif d’Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, c’est avant tout l’ombre d’un corps que la danseuse donne à voir, revêtue d’un niqab. Quel corps pour la femme voilée aujourd’hui ? Quelle présence à inventer ? Héla n’y va pas de main morte, revendiquant, à l’aide de la vidéo, une histoire personnelle, qu’elle porte ensuite vers une parole acérée plus universelle.
 
Balayer les clichés et les représentations, déplacer le regard
 
Voile, tapis, suaire, les images sont nombreuses, mais plus encore celles suggérées par les postures de ce corps confiné. Corps-masse, corps-monolithe, corps démembré, corps-fantôme… Héla s’amuse des représentations, met en scène la solitude comme la sexualité, avant de s’en remettre aux grandes figures qui ont su porter haut et fort la cause des femmes. Latifa Laâbissi s’expose elle aussi dans une forme de provocation avec Self Portrait Camouflage. Centrée sur la mise en scène très crue de son corps, elle porte son propos sur une France engluée dans son histoire coloniale. Totalement nu mais paré d’une coiffe indienne, son corps distordu est comme mis en vitrine. Pièce créée en 2006, elle fait plus que jamais écho à l’actualité du moment, et l’on rit d’autant de cette maîtresse d’école qui fait chanter « Les jolies colonies de la France » aux petits Nicolas, Ségolène et Jean-Marie. Le lendemain de cette soirée partagée, une table ronde animée par Christophe Wavelet reprend la thématique « Politique du geste, poétique du présent » avec les artistes.
 
Nathalie Yokel


Le 25 mars. A 19h Madame Plaza de Bouchra Ouizguen à l’ESAM de Caen, à 20h30 Manta d’Héla Fattoumi et Eric Lamoureux suivi à 22h de Self Portrait Camouflage de Latifa Laâbissi à la Halle aux Granges de Caen. Le 26 mars en journée, « Politique du geste, poétique du présent », table ronde à l’auditorium du Musée des Beaux-Arts de Caen.

A propos de l'événement



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