Entretien Simon Steen-Andersen
Une musique à la dimension physique essentielle
Le Danois Simon Steen-Andersen (né en 1976) succède à Saed Haddad comme compositeur en résidence auprès de 2e2m. De janvier à avril, six rendez-vous permettront de découvrir une musique extrêmement inventive, poétique et très visuelle.
« Le plus souvent, la plus grande part du travail consiste à obtenir le meilleur son ; ici, le mouvement est tout aussi important. »
Est-ce votre première résidence ?
Simon Steen-Andersen : Au Danemark, j’ai eu l’occasion d’être accueilli par un orchestre symphonique. J’ai aussi été en résidence auprès d’ensembles en Belgique et en Norvège. Mais à chaque fois, il s’agit d’une expérience différente. Parfois, il s’agit de travailler sur un seul projet d’œuvre nouvelle ; avec 2e2m, la résidence s’inscrit dans la durée, avec la programmation d’un nombre d’œuvres important.
Le compositeur d’aujourd’hui est-il nécessairement un voyageur ?
S. S.-A. : Oui, je crois, et c’est peut-être encore plus nécessaire lorsque l’on vient comme moi d’un « petit » pays. Le champ de la musique ne peut pas être borné par des frontières. Sans doute cette nécessité dépend-elle aussi du type de musique que l’on fait. En ce qui me concerne, il me semble indispensable d’accompagner ma musique, au moins lorsqu’elle est interprétée pour la première fois.
Pourquoi travailler avec les interprètes est-il si important pour vous ?
S. S.-A. : Dans ma musique, la dimension physique, presque chorégraphique parfois, est essentielle. Pour les musiciens, cela implique une autre façon de considérer l’œuvre. Le plus souvent, la plus grande part du travail consiste à obtenir le meilleur son ; ici, le mouvement est tout aussi important. Mon travail avec les musiciens a pour but de rendre l’interprétation la plus naturelle possible.
Cela tient-il à une écriture inhabituelle pour les instruments ?
S. S.-A. : Oui. Plus l’approche du jeu instrumental est spécifique, plus le compositeur doit communiquer avec les interprètes. Au fond, au-delà des explications que je peux apporter sur des techniques et modes de jeu inhabituels, il s’agit d’adapter l’œuvre aux musiciens, voire au contexte de l’interprétation.
Vos idées musicales sont-elles partagées par d’autres compositeurs ?
S. S.-A. : Si l’on considère certains traits de ma musique, comme l’amplification ou l’utilisation de la vidéo, ce sont bien sûr des choses que l’on retrouve chez certains compositeurs. On pourrait dire que je fais partie d’une nouvelle génération intéressée par l’interaction, par l’utilisation de matériaux de la vie quotidienne – ou qui revendiquent une moindre relation avec la tradition classique. Mais cela ne concerne finalement qu’un tout petit nombre de personnes.
2e2m publie, comme à l’occasion de chaque résidence, un livre éclairant votre musique. Est-ce pour vous l’occasion d’exposer une démarche esthétique ?
S. S.-A. : C’est toujours agréable de disposer d’une plateforme pour communiquer ses idées, même si le meilleur média demeure la musique elle-même. Je n’ai d’ailleurs pas moi-même contribué à l’ouvrage, mais c’est une étude approfondie de ma musique qui donne, je crois, une bonne représentation de mes idées, de mes pensées, de mon esthétique – tout ce qu’il y a derrière la musique.
Votre musique peut-elle être enregistrée ?
S. S.-A. : Probablement pas, en fait. En tout cas, je ne pense pas que l’on puisse tirer d’un concert ou d’une séance de studio quelque chose qui serait de l’ordre d’un enregistrement vrai, ou naturel ou réaliste. Il faudrait très certainement adapter l’œuvre et son interprétation au média. Ma musique vise à magnifier l’instant vivant du concert ; elle ne fait sens qu’avec sa dimension visuelle.
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun
Ensemble 2e2m, 15, boulevard Gabriel-Péri, 94500 Champigny-sur-Marne. Tél. : 01 47 06 17 76. Site : www.ensemble2e2m.com