La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -212-Odéon ~ Théâtre de l’Europe

Entretien Luc Bondy

Entretien Luc Bondy - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DE L’ODEON
photo : Luc Bondy

Théâtre de l’Odéon 6e / Les Fausses Confidences / de Marivaux / mes Luc Bondy

Publié le 22 août 2013 - N° 212

Mémoire et modernité : subtil alliage

Nommé à la direction de l’Odéon en mars 2012, le metteur en scène Luc Bondy réaffirme aujourd’hui le projet qu’il souhaite mener à la tête du Théâtre de l’Europe : « faire du théâtre, faire du théâtre européen ». Premier bilan et présentation de la saison 2013/2014.

Quel regard portez-vous sur votre première saison passée à l’Odéon ?

Luc Bondy : A l’Odéon, la saison dernière, tout a été « sold out » ! Toutes nos propositions – qu’il s’agisse d’auteurs vivants comme Handke, présenté en allemand, d’auteurs moins familiers du théâtre public comme Pinter, en passant par Marthaler, Régy ou Sivadier, le Beckett de Françon, la création de Joël Pommerat ou la reprise de son Cendrillon – ont rencontré leur public. Nous avons manqué de places toute l’année ! 175 000 spectateurs accueillis, 12 000 abonnés, et ce chiffre est déjà atteint pour cette nouvelle saison. Je savais, pour avoir travaillé très régulièrement à Paris, que le public parisien était curieux, mais j’étais loin d’être sûr qu’il nous suive sur des séries de représentations de plus de 60 dates. Je ne crois pas que d’aussi longues périodes d’exploitation soient la règle en France. Les résultats sont au-delà de mes espérances. De façon plus intime, j’ai pu mener deux projets qui me tenaient tout particulièrement à cœur : inviter le grand Peter Stein à diriger des comédiens français pour la première fois, et dans un Labiche ; travailler de nouveau avec Bruno Ganz.

Avez-vous également dû faire face à des déceptions ?

L. B. : Oui. La plus grande d’entre elles étant que je n’ai pu mener – comme je le croyais, ou voulais le croire – une politique de création réellement européenne. Ce grand théâtre – riche des très grandes qualités de ses équipes, de ses deux salles formidables placées dans des environnements très différents, les VIe et XVIIe arrondissements – réclame plus de moyens pour assumer la mission internationale qu’on lui a confiée. Je sais que les temps sont durs, mais je crois que la culture est l’un des moteurs de la croissance qu’il faut particulièrement soutenir.

Quel est le point essentiel du projet qui vous a mené à la tête de ce théâtre ?

L. B. : Faire du théâtre. Je l’avais dit en arrivant et je récidive. Faire du théâtre européen, faire entendre la diversité des sources qui ont nourri cinq cents ans de culture européenne et faire valoir l’héritage précieux d’une maison qui fête cette année ses trente ans d’Europe. Depuis 1983, année où Strehler a pris la direction de l’Odéon, des centaines d’auteurs et de metteurs en scène européens ont été présentés ici. Peu de maisons peuvent revendiquer une telle diversité, une telle ouverture ! Le public s’y est formé, les artistes français aussi.

« Ce grand théâtre réclame plus de moyens pour assumer la mission internationale qu’on lui a confiée. »

Pour cette saison 2013/2014, vous avez programmé de jeunes metteurs en scène comme Benjamin Porée et Jean Bellorini. Quelle idée vous faites-vous de la transmission ?

L. B. : Benjamin Porée et Jean Bellorini ont à peine trente ans. Leur donner une vraie place, ambitieuse, et l’opportunité de rencontrer un vaste public : c’est précisément là l’une des idées que je me fais de la transmission. Et sans doute le début de fidélités à venir. Les inviter aux côtés des plus grands, comme Patrice Chéreau qui nous revient avec Comme il vous plaira (j’en suis déjà jaloux !) ou Joël Pommerat, qui va recréer pour l’Odéon deux de ses premiers spectacles, ce qui permettra de lire autrement son parcours. Il n’y a pas de théâtre sans mémoire. Mais l’Europe n’est pas absente. On la retrouvera avec un Fassbinder monté par Kusej, avec Katie Mitchell et Angelica Liddell. Il y aura aussi de grands acteurs, comme Isabelle Huppert, Philippe Torreton (formidable Cyrano), Gérard Desarthe, Clotilde Hesme, Audrey Bonnet… Et toujours beaucoup de littérature et de philosophie, à travers Les Bibliothèques de l’Odéon. Il existe aussi une autre forme de transmission, moins visible mais très importante : ce sont les ateliers de théâtre que nous encadrons chaque année et qui nous permettent de toucher 70 classes, c’est-à-dire plus de 2500 cents élèves de collèges et lycées.

Vous mettrez vous-même en scène, cette saison, une œuvre de l’un de vos auteurs de prédilection : Marivaux. Qu’est-ce qui vous lie à ce dramaturge et à son écriture ?

L. B. : Pourquoi Marivaux ? Parce que je suis addict ! Marivaux met en scène le cœur et l’argent, bien avant Labiche. Une veuve jolie et riche, un jeune homme beau mais sans situation : entre Araminte et Dorante, se déploie toute la lucidité vénale du valet Dubois. C’est Isabelle Huppert, qui a sa loge à l’Odéon, qui jouera Araminte. C’est la première fois que je travaillerai avec elle. Ce que sera la mise en scène ? Je ne n’en sais encore pas grand-chose. Mais le choix des acteurs m’apprend déjà beaucoup.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Les Fausses Confidences
du jeudi 16 janvier 2014 au dimanche 23 mars 2014
THEATRE DE L’ODEON
Place de l’Odéon, 75006 Paris

Odéon – Théâtre de l’Europe. Théâtre de l’Odéon, Place de l’Odéon, 75006 Paris.  Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, 75017 Paris. Tél : 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu
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